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Lettresde Gustave Flaubert à Georges Sand. À George Sand. Croisset, nuit de samedi [12-13 janvier 1867]. Non, chère maître, vous n’êtes pas près de votre fin. Tant pis pour vous, peut-être. Mais vous vivrez vieille et très vieille, comme vivent les géants, puisque vous êtes de cette race-là ; seulement, il faut se reposer. Une
samedi23 avril 2016 Lettre de George Sand à son fils, Maurice Conseils d'une mère .. " Travaille, sois fort, sois fier, sois indépendant, méprise les petites vexations attribuées à ton âge. Réserve ta force de résistance pour des actes et contre des faits qui en vaudront la peine. Ces temps viendront.
GeorgeSand ouvre sa maison aux créateurs, organisant la vie à Nohant en fonction de leurs besoins, créant une atmosphère de vie collective et cependant libre qui enrichit le travail de chacun. Le salon raisonne encore des discussions, lectures à voix haute et musique des artistes, hommes de lettres, hommes politiques, gens de théâtre qui s’y sont réunis : Franz Liszt, Marie
GeorgeSand fut une voyageuse précoce puisque, dès l’âge de quatre ans, elle accompagna sa mère en Espagne, où son père était aide de camp de Murat. On trouve dans ses œuvres autobiographiques des ébauches d’un Voyage en Espagne1, publié de façon posthume et des fragments, également posthumes, d’un Voyage en Auvergne2 effectué en 1827 avec son mari
Mondialementconnue, l’ancienne pensionnaire du domaine de Nohant-Vic vouait un attachement profond à la région qui l’a vue grandir. Ce qui lui a
Premier Message Site De Rencontre Exemple. George SAND Lettre autographe signée à Victor Hugo. Quatre pages in-8° sur papier à son chiffre. Nohant, 6 mai 1862. Soyez tranquille au fond, vous tenez dans vos mains un grand courant des destinées de notre époque.» George Sand annonce à Hugo le mariage de son fils Maurice, puis s’émerveille de la puissance du chef d’œuvre de Hugo, Les Misérables, gommant ainsi les larges critiques émises dans sa lettre du 17 avril. Maître, Je croirais manquer à l’affection qui vous est due, et que je vous dois pour mon propre compte, si je ne vous faisait part de mes évènement domestiques. Ils sont toute ma vie, à moi, et si haut que vous soyez, vous avez prouvé plus que personne que vous mettiez dans votre cœur et dans vos instincts la famille bien au-dessus de la gloire. Mon fils se marie, il épouse Mlle Calamatta fille aimable et charmante d’un de mes plus anciens et plus chers amis. Nous nous connaissons tous les quatre, elle depuis qu’elle est née, les trois autres depuis trente ans. Nous avons donc de la joie sans crainte et de l’émotion sans douleur. Nous sommes très heureux dans l’attente et la foi d’une vie d’amour et de confiance réciproque. Si la destinée nous trahit, ce ne sera la faute d’aucun de nous, car nous n’avons pas sacrifié aux faux dieux de cet âge d’airain, qui ne sont qu’orgueil, mensonge et cupidité. Vous pensez bien, cher Maître, qu’on vous relit plus d’une fois. Chacun dans la famille veut vous lire seul d’abord et puis on en parle et puis on lit ensemble. Ceux-ci aiment mieux une face, une situation, ceux-là un autre aspect du tableau. Moi je crie parfois contre un peu trop de christianisme à cause de l’heure où nous vivons, et où il faut nous tenir à quatre contre les fallacieux qui exploitent la doctrine. Mais on me relit la mort du vieux constitutionnel, autre face grandiose de l’œuvre et puis, ces discussions que vous soulevez sont une grande preuve de votre autorité. On discute les actes des souverains et ceci est bien autre chose qu’une royauté d’un jour. Soyez tranquille au fond, vous tenez dans vos mains un grand courant des destinées de notre époque, le courant qui nous précipite tous, les dociles comme les rebelles, vers les rivages où l’on n’échoue que pour fonder. Croyez, cher Maître, à mes sentiments bien profonds et bien dévoués. George Sand. Nohant 6 mai 1862. Si Madame Hugo est retournée près de vous, offrez-lui tous mes compliments affectueux. Vous devez avoir appris avec plaisir l’éclatant succès que vient d’obtenir Paul Meurice. C’est un de vos disciples les plus dévoués et un grand talent avec un noble cœur. Pour ces trois raisons, j’ai signé avec lui la pièce. » Ce même 6 mai 1862, Hugo prit la plume pour se désoler auprès de Sand de sa lettre critique envers Les Misérables du 17 avril Votre lettre m’a attristé… ». Les courriers se croiseront. Le 11 mai, Sand écrit finalement à Hugo son admiration ; puis le 18, Hugo revient sur ce malentendu littéraire Il est doux d’être blessé par les déesses quand c’est par elles qu’on est guéri. Merci de vos deux lettres exquises et bonnes…. »
Drame en trois actes représenté pour la première fois au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 11 janvier 1851. Distribution 5 hommes, 3 femmes Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre L’argument Claudie fait les moissons avec son grand-père le Père Rémy chez les métayers Fauvreau. Le fils Fauveau, Sylvain tombe amoureux de la jeune fille, travailleuse et réservée. Mais le père Fauveau a d’autres vues pour son fils la Grand’Rose, la propriétaire de la métairie, une belle femme riche et élégante que convoite également Denis Ronciat. Claudie rencontre par hasard sur Denis Ronciat. On comprend très vite qu’il est à l’origine de ses malheurs il a séduit Claudie quand elle avait 15 ans en lui promettant le mariage mais il l’a abandonnée. Un enfant est né de cette liaison. C’est dans la misère que Claudie a élevé son enfant, décédé à l’âge de trois ans. Denis Ronciat révèle une partie de l’histoire à Rose qui, jalouse de l’intérêt de Sylvain pour Claudie, veut éloigner la jeune fille et son père. Sylvain est désespéré. Dans une très belle scène, le Père Rémy prend la défense de Claudie et ridiculise Denis Ronciat, qui est chassé. Tout le village entoure et soutient Claudie. Sylvain lui demande sa main. À propos de Claudie Jules Lemaître dans Impressions de théâtre 1ère série à propos de la reprise de Claudie au Théâtre national de l’Odéon, 16 mai 1887 sur Gallica J’ai constaté avec joie, la semaine dernière, le grand succès de Claudie. Personne, je crois, n’a complètement échappé au charme de cette dramatique idylle. … Oui, tous ces personnages sont vrais. Du moins ils le sont assez à mon gré. L’action est d’une simplicité lumineuse ; elle sort tout entière d’une situation initiale et se développe sans aucune intrusion du hasard ce qui est une des marques des belles œuvres dramatiques. Et le décor, qui agrandit et embellit les personnages, explique l’action et y contribue. Ce drame est aussi une géorgique ; et géorgique et drame semblent ici inséparables. Le milieu » est justement celui où le dénouement de la pièce le mariage d’une fille-mère avec un autre homme que le séducteur pouvait être accepté le plus aisément car les paysans, s’ils ont plus de superstitions, ont moins de préjugés sociaux que la bourgeoisie. M. Dumas fils, rien qu’en transportant la même histoire dans une classe supérieure Denise, s’est créé des difficultés dont lui seul peut-être pouvait triompher. Dans Claudie, cela va tout seul. C’est en pleine campagne qu’un drame évangélique se trouve encore le mieux à sa place. On a cette impression, que le profond sentiment de justice et de charité, en vertu duquel Ronciat est condamné et Claudie absoute et relevée par le père Rémy, par Sylvain, par la mère Fauveau, par la Grande Rose, et même par le père Fauveau, est, comme la gerbe de blé, un produit du travail de la terre. » Voir aussi la critique de Clément Caraguel dans lArgus du 24 janvier 1851 La hardiesse de l’idée, la réalité et la logique des caractères, la hauteur soutenue de la pensée et la force de l’exécution font de cette pièce une des œuvres les plus vivantes de Georges Sand. L’effet produit a été immense. Nous avons entendu crier au paradoxe; avouez cependant qu’il est bien rare qu’un paradoxe s’empare à ce point de la foule et produise ces frémissements d’une émotion irrésistible. » Illustrations sur Gallica Théâtre de la Porte Saint Martin. Claudie. 3e acte. Claudie, mademoiselle Lia-Félix ; madame Fauveau, madame Genot ; la Grand’Rose, Daubrun ; Rémy, M. Bocage ; Sylvain, M. Fechter ; Fauveau, M. Perrin ; Denis Ronciat, M. Barré. Dessin de Janet Source BnF/Gallica Le théâtre illustré. Claudie, représentée au théâtre de Cluny dessin de M. Adrien Marie et Gillot sc. 1879. Source BnF/Gallica
Edmond Plauchut, On me croit mort, mais je vis ici » Lucien-Joseph-Edmond PLAUCHUT est né le 6 janvier 1824 à Saint Gaudens Haute Garonne. Sa correspondance avec George Sand débuta en 1848 qui lui répondit par deux lettres. Expatrié volontaire à la suite de la chute de la République, il partit vers Singapour. Au cours du voyage, il fit naufrage au large des îles du Cap-Vert et ne put sauver qu’une cassette contenant les lettres de G. Sand grâce auxquelles il fut recueilli, nourri, habillé par un riche Portugais. Après de nombreux voyages vers l’Extrême-Orient, il rencontrera George Sand en 1861. Invité à Nohant en 1865, il fut très rapidement intégré à la vie de la famille jusqu’à sa mort en janvier 1909. C’est le seul étranger à la famille inhumé dans le cimetière de la famille Sand. Extrait de la vie à Nohant... Le Carnaval 73 à Nohant révèle un Plauchut vêtu en Pifferaro, un Flaubert, invité de dernière heure, enfilant une jupe et s'essayant au fandango. Après la lecture, le I4 avril, par ce dernier, de son Saint-Antoine, Plauchut selon l'agenda est épaté, comme roué de coups ». Le I6, Tourgueniev s'ajoute à la bande. Dernier Carnaval en février 76 Sand fait danser les masques, arborant elle-même un grand nez à moustache. Plauchut se déguise en turc, en saltimbanque puis en ...bébé. La fête terminée, il enfile une blouse, met un faux-nez et va au bal du village faire son effet ». Ayant quitté Nohant le I3 mars, il reçoit à Paris le 11 avril une délicieuse lettre de George - la dernière, a-t-il noté, que m'écrivit George Sand » - Mon gros coco, viens donc au bercail puisque tu en as assez de Paris. Au lieu d'aller manger tes argents au bout du monde, viens voir fleurir nos lilas. Nohant est un tapis de fleurs ... Viens, et tout sera pour le mieux ». C’est, hélas, un télégramme de Maurice qui rappelle Plauchut à Nohant, en compagnie du Dr Favre. Il repart avec mission de ramener le Dr Péan, mais ce sera peine perdue. Très admiratif de la romancière, d'un dévouement à toute épreuve à son égard et envers les siens, mais aussi très proche de l'entourage berrichon, Plauchut ne pouvait pas, perdant George, perdre tout ce qui tenait à elle. La romancière aura rarement lancé à d'autres favoris des appels aussi affectueux que ceux adressés à Plauchut dans les dernières années La maison est comme veuve et vide quand tu n'es pas là », on ne vit plus tout à fait quand tu n'es pas là ». Les êtres et les murs avaient besoin de lui. La famille Sand et Nohant le gardèrent tout proche, pratiquement jusqu'en fin de vie. Signalons que s'il a pu contribuer, par sa dévotion à Sand, sa manière de commencer ses lettres par bonne mère », bonne maman », à l'embaumer avant l'heure, le bon Plauchut » n'aimait pas tellement être considéré lui-même comme tel. En témoigne une lettre où, un peu agacé de s'entendre traiter par Flaubert de trop bon », il affirme à Sand qu'il lui prend des envies, pour échapper à la suavité, de se faire délibérément canaille ». Très aimé, d'abord par George, puis par Lina et les fillettes grandissantes, il abandonnera plus tard définitivement le Bd des Italiens, emportant pour tout bagage ses pipes philippines vers sa » chambre de Nohant que Sand, peu de temps avant sa mort, avait fait rafraîchir. Tout en continuant d'écrire des articles, il se consacrera, entre deux parties de chasse, à la rédaction de ses souvenirs sur Nohant, qui paraîtront, sous le titre Autour de Nohant chez Calmann Lévy en I897. Maurice une fois disparu, le 4 septembre I889, il semble que Lina, sensible aux attentions délicates de cet ami exceptionnel, ait refait sa vie à ses côtés. Lorsqu'elle mourut, le 2 novembre 1901, il restait encore à Plauchut plus de 7 ans à vivre. Où aurait-il pu abriter sa haute silhouette à large feutre et barbichette blanche, sinon chez Gabrielle devenue propriétaire du château familial ? Il terminera pourtant ses jours à Biarritz, dans une résidence du Bd de la Grande Plage, le 30 Janvier 1909. Selon son vœu, il est inhumé près de George Sand et des siens dans l'enclos funéraire où il a accompagné plusieurs d'entre eux. On me croit mort, mais je vis ici », lit-on sur l'épitaphe, imaginée par ce fidèle entre les fidèles, ce champion de l’amitié. Texte Marie-Louise GUILLAUMIN, Les amis de George Sand. Livre de référence L'ami de George Sand en Berry, Edmond Plauchut le tartarin de Nohant, par Michelle Tricot & Christiane Sand, éditions Geste. Armand Silvestre Quel monde de souvenirs éveille en moi ce seul nom ! C'est en 1866 que je vis George Sand pour la première fois. Sans me connaître, elle avait écrit, pour moi, la préface d'un livre de vers dont elle avait trouvé et parcouru les épreuves chez Eugène Fromentin. Le livre est épuisé depuis longtemps, mais la préface a été réimprimée dans la collection Calmann Lévy et méritait cette exhumation; car elle contient de superbes aperçus sur la poésie. Témoin ces lignes merveilleuses Moi je dis que la lumière naîtra d'une sensation traduite par l'élan poétique. Une impression spontanée, chez un esprit supérieur, caractérisera tout à coup l'homme nouveau. Sera-ce l'amour ou la mort qui parlera ? Peut-être l'un et l'autre. Peut-être que, dans l'extase du plaisir, excès de vitalité, ou dans la volupté du dernier assoupissement, paroxysme de lucidité, l'âme se sentira complète. Alors la vraie poésie chantera son hymne de triomphe. Les mots esprit et matière feront place à un mot nouveau... » Comme tout cela est éloquemment dit et d'une belle envolée lyrique ! Fromentin était alors grand ami de Mme Sand. Je ne sais plus tard ce qui avait interrompu leurs relations, mais je sais que Fromentin pleurait, en me racontant comment, après trois ans passés sans la voir, elle lui avait ouvert les bras comme au fils prodigue, et l'avait appelé son cher enfant ! Quand j'allai la remercier de ce bienfait inattendu, elle demeurait rue des Feuillantines, dans un petit appartement assez bas. Il était cinq heures; le jour d'hiver tombait ; il faisait sombre. Mais le modeste salon où elle me reçut me parut illuminé par sa présence. Il m'est resté dans l'esprit, je dirais presque dans les yeux, avec l'intensité que prennent sous les yeux les objets quand l'esprit est tout à une émotion. Une petite table en chêne avec un tapis, une chaise haute, au mur une superbe esquisse de Delacroix, le maître de son fils. Je ne pus trouver un seul vocable, de reconnaissance. Mme Sand fut aussi quelque temps sans me parler, et le premier mot qu'elle prononça fut celui de timidité, — pour elle-même ! Je crois bien que nous n'avons pas dit vingt paroles à nous deux ce jour-là. Et cependant je sortis de la adopte, . me réfugiant sous le patronage d'un esprit plein de grandeur et de tendresse, sentant en moi je ne sais quoi de filial pour ce génie clément aux faibles, pour cet être si plein d'une bonté pénétrante, pour cette femme auguste dont l'âge nimbait le front d'une auréole d'argent. Elle ressemblait cependant .encore, dans ce temps-là, au portrait dont j'ai parlé plus haut. Ce qui m'avait frappé, c'était la fermeté persistante de ses traits, malgré un certain embonpoint de visage. Ils donnaient l'impression de ces images de cuivre, où les rides elles-mêmes ont des vigueurs et des rigidités. Rien d'affaissé dans le développement du menton, rien qui sentît la vieillesse. Ses mains m'avaient surtout rempli d'admiration de vraies petites mains d'homme, effilées aux doigts, légèrement charnues sur le dessus, et qui semblaient modelées dans un métal pur et souple à la fois, des mains faites pour le travail et les loyales étreintes... si petites avec cela! Je n'en ai jamais revu de pareilles. Quand elles laissaient tomber, dans un verre à moitié plein d'eau, une cigarette achevée, elles avaient, en se relevant, comme un essor de papillon blanc qui s'envole. Ce n'est que deux ans après que j'allai à Nohant pour la première fois. On partait de Chàteauroux dans une façon de diligence trois bêtes efflanquées devant et un rustre au sommet, attachant ses guides au siège pour pouvoir mieux fouailler des deuxbras. Une casserole derrière une agonie de chevaux. Je ne décrirai pas le paysage. C'est celui que George Sand a donné pour décor à ses plus admirables romans. A vrai dire, je ne l'aurais peut-être pas remarqué beaucoup, s'il ne m'eût fait revivre sous le charme des descriptions amoureusement lues. Mais des idylles se dressaient pour moi tout le long de la route. Tout paysan était unChampi, et toute mendiante une Fadette. J'étais hanté par ce monde charmant qui vivra dans l'immortalité de ses récits, comme celui des églogues de Théocrite, le grand Syracusain. J'ai compris alors combien un grand poète fait sienne la terre que foulent ses pas ! Assez uniforme, d'ailleurs, ce grand chemin,, bien que bordé par des horizons d'un grand aspect, Rien n'y annonce l' approche de Nohant, qu' un bouquet de gros arbres dissimule. A peine descendu, pourtant, j'étais au seuil de la maison... du château, comme on dit là-bas. J'ai mieux à faire qu'à en décrire l'ordonnance intérieure, qui, bien que simple, ne manque pas d'une certaine grandeur aristocratique. De hautes et larges pièces dominant le parc de toute la hauteur d'un perron monumental. 0 chère maison ! il me semble que, pour y avoir vécu si peu de temps, j'y ai laissé le meilleur de moi-même ! Mais que d'impressions j'en ai emportées en échange ! C'est là seulement, dans le milieu calme et plein d'affections saintes qu'elle avait choisi pour y vieillir, que George Sand était elle-même et tout entière. Ne se retirant que tard, pour travailler une partie de la nuit, elle donnait à ses hôtes, avec quelques heures de la journée, toutes celles de la soirée. Pendant que ses mains tourmentaient les pièces d'un casse-tête chinois ou habillaient une marionnette, — car elles ne restaient jamais inoccupées, ces petites mains vaillantes ! — elle causait avec un laisser aller plein de charme et un abandon plein de condescendance. Son esprit, trop créateur pour descendre à la critique, n'en formulait pas moins des jugements fort nets sur les contemporains. Je l'entendis un jour défendre Béranger, comme poète, avec une éloquence pleine de finesse. Elle devina la première, dans l'aînée des filles de Théophile Gautier, un écrivain de race, héritier du génie paternel. Elle n'avait jamais cessé de lire beaucoup, et concluait toujours quelque chose de ses lectures. Mais c'est dans les promenades du soir, en été, promenades à travers le parc, et qu'elle terminait à la première tombée de la nuit, qu'elle était vraiment admirable à entendre ! Elle y parlait volontiers des grandes choses de l'âme et de la vie avec la simplicité d'un esprit absolument sincère, confiant dans les destinées, n'éprouvant, d'ailleurs, aucun besoin de solemnité pour sonder les mystères de sa propre foi. Ah! que j'ai souvent maudit l'insecte dont le vol interrompait quelqu'un de ses aperçus magnifiques sur l'avenir, en réveillant ses appétits chasseurs de naturaliste! Il s'en est peut-être fallu d'un simple phalène venu à la traverse qu'elle m'ait converti à son déisme tranquillisant et à son spiritualisme consolateur ! Déisme d'artiste, car son plus grand argument était la beauté de la nature! Spiritualisme de privilégiée, qui sentait ses admirables facultés s'aviver encore aux étreintes de la vieillesse. J'attendais impatiemment l'inauguration de la statue de Millet sur la grande place de La Châtre. Car c'était encore pour moi une grande curiosité de savoir comment il avait compris George Sand. Non que je me défiasse un seul instant d'un talent éprouvé comme le sien ; mais je ne sais pas de taché plus complexe que celle qu'il avait entreprise. Comment enfermer dans un bloc inerte le mouvement d'un des esprits le plus admirablement actifs de ce temps ? Comment faire rayonner au faîte d'un marbre la lumière dont vivait ce clair et brillant génie ? Comment échauffer la pierre des feux de cette âme ? Il y avait là de quoi troubler les plus hardis. Croiriez-vous qu'à l'époque où, sous la présidence de Victor Hugo, une Commission s'institua solennellement pour ériger un monument à George Sand, dans Paris même, un des plus célèbres parmi les sculpteurs de notre jeune école me dit fort gravement qu'il ne la concevait pas autrement que sous les traits d'une amazone ! Il y eut plusieurs George Sand, en effet, sans compter celle-là, que nous laisserons à la fantaisie des admirateurs à venir, et qui ne sera peut-être pas la moins vraie. Il y eut la jeune femme qui, d'un grand essor littéraire, surgit éblouissante de beauté, de vigueur et de poésie, enivrée de nature et jetant aux échos les accents les plus passionnés qu'oreille humaine ait jamais entendus ; il y eut la femme plus recueillie déjà, que les souffrances du siècle avaient touchée au cœur, dont les rêves généreux avaient couronné le front et dont Thomas Couture a laissé un magnifique portrait aux deux crayons — il y eut enfin la femme vieillie qui sut entourer la fin de sa vie d'une souveraine dignité, l'aïeule sainte qui, des tendresses du foyer, fit à ses derniers ans une auréole, l'ouvrière obstinée d'une tâche de dévouement. C'est celle-là que je préfère à toutes, sans doute parce que c'est celle-là que j'ai connue et aimée!Armand amis... Des manifestations furent prévues les 9, 10 et 11 août 1884, sous la présidence de Ferdinand de Lesseps. De nombreuses personnalités étaient présentes, pour beaucoup hommes politiques et érudits locaux. Quelques personnalités parisiennes se déplacèrent, la plupart anciens amis de George Sand Armand Sylvestre, Charles Buloz, Calmann-Lévy et Paul Meurice. La famille de la romancière fut représentée par son fils Maurice Sand. Après un hommage écrit par Victor Hugo, suivirent les discours officiels des organisateurs. Dans chacune des allocutions, George Sand est un “bien” berrichon. Ainsi, le maire de La Châtre Mais si sa gloire rayonne au loin, nous ne saurions oublier qu'elle nous appartient plus intimement et que George Sand, par ses ravissantes peintures, fait connaître à tous notre Berry et les bords de la Creuse. » Le repli identitaire local fut accentué en raison du peu d'écho rencontré par les manifestations berrichonnes, la plupart des personnalités politiques et littéraires d'envergure nationale ne s’étant pas déplacées. La foule des anonymes berrichons avait pallié ces absences. Si de nombreuses festivités suivirent l'inauguration de la statue, la plupart, sans rapport avec George Sand, étaient simplement populaires et ludiques retraite aux flambeaux, fêtes de gymnastique, banquet de 280 convives, feu d'artifice, concours musical réunissant les orphéons et les fanfares de la région. Les amis de George Sand.Maurice Rollinat George Sand connaissait très bien le père de Maurice Rollinat, François 1806-1867. Dans L’histoire de ma vie, elle dit de lui "Homme d’imagination et de sentiment, lui aussi artiste comme son père, mais philosophe plus sérieux." George Sand a apprécié et conseillé Maurice Rollinat lorsque celui-ci lui montrait ses écrits, lui demandait conseil comme des extraits de cette lettre de George Sand à jeune ami du 18 avril 1872 à La Châtre et servant de préface au livre Poésie pour les enfants de Maurice Rollinat en témoignent "Eh bien, mon enfant, voici ce que je ferais si j’étais poète ... un recueil de vers pour les enfants de six à douze ans ... Le poète doit révéler aux enfants ce qu’on oublie toujours de leur révéler la nature ... Essaie et si tu réussis, tu auras fait une grande chose ; cela ne doit pas être bâclé vite, mais mûri et gesté sérieusement. Et avant tout, comme on vit de pain et que les vers n’en donnent pas, il faut toujours avoir un emploi quelconque et ne pas le négliger ... Sur ce, fais ce que tu voudras de mon conseil, je le crois bon, voilà pourquoi je te l’offre en t’embrassant." George SAND ne partageait pas le pessimisme philosophique de Maurice Rollianat. Elle essayait d’orienter le jeune poète vers d’autres formes d’inspiration mais son besoin de vérité et de sincérité le détournait de l’attitude idéaliste proposée par George Sand "Il faut ouvrir les yeux tout grands et voir le beau, le joli, le médiocre comme tu vois le laid, le triste et le bizarre. Il faut tout voir et tout sentir." Au décès de George Sand, en 1876, Maurice ROLLINAT perdit un de ses soutiens les plus efficaces et les plus désintéressés. L’influence de George Sand s’est exercée à un moment où Maurice Rollinat avait ébauché deux livres dont Les Névroses et elle est présente dans ses poèmes sur la nature. Les amis de Maurice Rollinat.
Origines Amantine Aurore Lucile Dupin est née le 12e jour de messidor de l’an 12 de la République, soit le 1er Juillet 1804, à Paris. Elle est la fille de Sophie-Victoire Delaborde, une roturière, née en 1773 et de Maurice Dupin, un aristocrate, né en 1778. Sophie-Victoire Delaborde Maurice Dupin Sophie-Victoire est la fille d’un oiselier parisien. Elle se retrouve orpheline à 16 ans et est mère de plusieurs enfants, de pères inconnus, dont Caroline née en 1799. Sophie-Victoire se retrouve en Italie après avoir suivi un adjudant nommé Collin, et fait la connaissance de Maurice Dupin dont elle devient d’abord la maîtresse. Ils ont un fils né en 1801 et une fille née en 1803, tous deux morts en bas âge. Maurice Dupin est officier dans les armées napoléoniennes. Sa mère, Marie-Aurore de saxe Dupin du Francueil née en 1748 est la fille du Maréchal Maurice de saxe, lui- même fils naturel du roi de Pologne, Auguste II de Saxe. Maurice a lui aussi un fils qu’il ne reconnaît pas, Hippolyte né en 1799 avec une lingère, Mlle Chatiron. Ils sont invités à vivre dans une petite maison près du domaine et Marie-Aurore veille au bien-être de l’enfant. Hippolyte sera plus tard, élevé avec Aurore. Deux mondes totalement opposés s’assemblent. “Le sang des rois se trouva mêlé dans mes veines au sang des pauvres et petits”. George Sand. Ils se marient en toute discrétion le 5 juin 1804, un mois avant la naissance de Aurore. La mère de Maurice, Marie-Aurore, désapprouve cette mésalliance et refuse de rencontrer sa belle-fille et sa petite fille. Maurice élabore un stratagème avec la complicité de la concierge afin que Marie-Aurore connaisse sa petite-fille. La grand-mère est sous le charme et lui offre une bague. Celle-ci ayant été offerte par la belle fille de Louis XV à Marie-Aurore pour son mariage. Marie-Aurore de Saxe Enfance Aurore passe sa petite enfance dans de modestes appartements à Paris avec sa mère, sa demi sœur Caroline et le fidèle Pierrot, ami de sa mère. Son père, souvent absent, court la France et l’Europe à travers les campagnes de Bavière, de Prusse et de Pologne à la suite des armées napoléoniennes. Début 1808, les armées de Napoléon occupent l’Espagne et Maurice Dupin est un officier en garnison auprès du général Murat à Madrid. Sophie-Victoire rejoint son époux avec sa fille Caroline et leur petite Aurore âgée de 4 ans. Sophie-Victoire est à nouveau enceinte elle a perdu un petit garçon en 1805 et donne naissance à un petit Louis qui naît aveugle et chétif, en juin. Deux semaines après la naissance, la famille quitte l’Espagne, qui s’est soulevée contre la France, et rejoint le domaine de Nohant, dans le Berry, le 21 juillet de la même année. Petit secret Le domaine de Nohant est une belle bâtisse composées de plusieurs dépendances et de 240 hectares de bois et de terres cultivables ainsi que des fermes. Il a été acquis pendant la Révolution par Marie-Aurore qui voulait se mettre en sécurité. Nohant Le bonheur de cette famille enfin rassemblée dans le domaine familial est de courte durée. Le petit Louis meurt le 8 septembre et Maurice le 16. Celui-ci, cavalier aguerri de 30 ans, fait une chute mortelle à cheval. Les vieilles rancœurs entre la belle-fille et la belle-mère refont surface. Marie-Aurore n’entend pas cohabiter plus longtemps avec sa belle-fille, mais s’étant fortement attachée à Aurore, la grand-mère fait une proposition à Sophie-Victoire. Le 3 février 1809, cinq mois après la mort de Maurice, Marie-Aurore donne une rente annuelle en échange de la garde de la petite Aurore. Sophie-Victoire retourne à Paris avec sa fille Caroline. Aurore, âgée de 5 ans est totalement orpheline. Elle ne verra sa mère que quelques semaines en été à Nohant et à Paris en hiver. La grand-mère, âgée de 62 ans reporte tout l’amour qu’elle avait pour son fils sur sa petite fille. Elle fait un transfert, jusqu’à appeler Aurore “son fils”. Aurore vit une enfance libre comme les garçons à l’extérieur de la maison ; elle monte à cheval, joue et se bagarre avec les gamins du village. A l’intérieur, c’est une jeune fille accomplie qui met des robes et joue au piano. Éducation Le 12 janvier 1818, après neuf années passées à Nohant, Marie-Aurore envoie Aurore, âgée de 13 ans, parfaire son éducation au couvent des dames augustines anglaise. C’est l’une des écoles les plus prestigieuses à Paris. Le 12 avril 1820, après 2 années, Marie- Aurore y retire sa petite-fille qui nourrit de plus en plus des projets de vie religieuse. Aurore n’a pas encore 16 ans. Et c’est avec regret qu’elle quitte le couvent dans lequel elle avait trouvé des amies, une vie spirituelle, une vie plus semblable aux jeunes filles de son âge. Sa grand-mère étant très malade, Aurore retrouve la solitude et le calme pesant de Nohant. Ayant beaucoup de temps libre, elle dévore la bibliothèque ; ce qui lui donnera le fondement de sa connaissance littéraire. Le 26 décembre 1821, Marie-Aurore meurt et Aurore, âgée de 17 ans, hérite de la fortune et du domaine de Nohant. Étant mineure, sa mère revient au domaine et est tutrice des biens de Aurore. Les retrouvailles sont décevantes et Aurore songe à se marier pour “être libre”. Aurore Dupin et Casimir Dudevant Épouse En avril 1822, Aurore séjourne au château du Plessis-Picard, près de Melun, chez des amis de sa grand-mère et fait la connaissance du baron François Casimir Dudevant. Il a 27 ans, est mince et élégant, fils d’un colonel à la retraite, baron d’Empire, et d’une servante. Ils se marient 5 mois plus tard, le 17 septembre 1822 à Paris. Le 18 octobre, il démissionne de son poste de sous-lieutenant pour vivre de ses rentes et s’installent tous deux à Nohant à la fin du mois. Mais François Casimir est un mari infidèle et ennuyeux, qui adore chasser et n’a aucun goût pour la lecture ou la littérature. Il voyage, s’arrange pour être à Paris quand Aurore est à Nohant et à Nohant quand Aurore est à Paris. Pendant que Monsieur gère le domaine, Aurore joue à l’épouse et la mère dévouée. De leur union naît Maurice le 30 juin 1823 et Solange le 13 septembre 1828. Mariée depuis près de dix ans, Aurore veut conquérir Paris et diriger sa vie. Ne supportant plus les états d’âme de sa femme, Casimir laisse son épouse partir “seule” quelques mois par an, tout en gardant les enfants de 8 et 3 ans et en plus, lui envoie de l’argent tous les mois. Maurice et Solange Dudevant Statut À l’époque, nous sommes sous le Code de Napoléon promulgué en 1804 où la femme appartient à l’homme. Les femmes sont considérées comme mineures toute leur vie. Elles sont d’abord sous la tutelle de leur père puis de leur mari. Le mariage et la famille sont le centre de leur vie. Après la Révolution les femmes sont plus nombreuses à publier. Dans le domaine du roman sentimental, leur nombre a doublé à 20% des auteurs publiés. Contexte politique sous la fin de la Restauration 1814-1824 En février 1830, le roi Charles X, frère de Louis XVI, fait le choix du féodalisme contre le progrès de la “révolution” avec l’appui du clergé. Aux quatre ordonnances du 25 Juillet suspension de la liberté de la presse, dissolution de la Chambre des députés en mai, modification de la Charte constitutionnelle sur le plan électoral notamment et la nomination de conseillers d’État au profit d’ultras notoires les Parisiens répondent par les Trois Glorieuses 27, 28 et 29 Juillet. Le 27, les ouvriers, étudiants et journalistes dressent les barricades ; le 28, tout l’Est de Paris qui abrite les quartiers populaires est mobilisé et se révèle imprenable 25000 soldats de l’armée royale sont tués et la Garde Nationale rallie les insurgés ; le 29, le Palais-Bourbon, le Louvre ainsi que les Tuileries sont investis par le peuple de Paris. Charles X retire ses ordonnances mais il est trop tard, le peuple est victorieux. Les Trois Glorieuses La Monarchie de Juillet 1830-1848 C’est ainsi qu’avec l’aide de députés parisiens, que le cousin de la famille royale, le duc d’Orléans, accède au pouvoir et devient roi des Français sous le nom de Louis-Philippe Ier. Charles X et sa famille s’exilent en Autriche où le dernier Bourbon mourra le 6 novembre 1836 à 79 ans. Jules Sandeau Le 4 janvier 1831, à 27 ans Aurore s’installe à Paris avec son amant, Jules Sandeau, rencontré pendant l’été 1830 chez ses amis Duvernet, originaire lui aussi de Berry. Ils y retrouvent une petite société de jeunes berrichons, férus de littérature romantique. Sandeau est le point de départ d’un affranchissement affectif et social. Aurore est petite, elle mesure 1,56m, a des yeux noirs, n’est pas particulièrement belle mais a beaucoup de charme. Jules est de sept ans son cadet, frêle, blond et a l’ambition d’être écrivain. Il deviendra d’ailleurs le premier romancier à entrer à l’académie française en 1858. Il est l’auteur d’une cinquantaine de romans et de pièces de théâtre. Aurore a un ami du Berry qui se nomme Henri de Latouche, cousin des Duvernet, qui est directeur du Figaro. C’est un journal littéraire, poétique et satirique. Elle y écrit des petits sujets sans signer et commence à gagner son argent, puis avec jules, elle écrit des nouvelles qui apparaissent et dans le Figaro et dans La Mode et le Revue de Paris. L’écrivaine est née Aurore et Sandeau écrivent un roman à quatre mains Rose et Blanche ou la comédienne et la religieuse, signé Il raconte l’histoire de deux jeunes femmes aux destins totalement différents mais finalement liés tragiquement par deux hommes. Il est publié en décembre 1831. C’est un succès. Aurore décide de se lancer seule dans la littérature et se choisit un pseudonyme George, prénom berrichon. Ce sera donc George Sand. Sandeau Petit secret d’autres femmes romancières ont pris des pseudonymes masculins comme Marie d’Agoult, compagne de Franz Liszt, signée Daniel Stern ou encore Delphine de Girardin signée Charles de Launay. Toujours à courir dans tous Paris, avec ses amis artistes, pour aller au musée, au théâtre… Sand se déplace difficilement avec ses robes longues et amples. Ayant obtenu une permission de travestissement de la préfecture de police, elle les échange donc contre des costumes masculins ; redingotes noires et gilets en satin. Ce qui est une transgression pour l’époque ! En amour, Sand se comporte aussi comme un homme. Elle conquit et rompt à sa guise. Après trois ans à Paris, George est devenue célèbre, a gagné son autonomie et une des premières places de la littérature de son temps. “…sur le pavé de Paris, j’étais comme un bateau sur la glace. Les fines chaussures craquaient en deux jours…je ne savais pas relever ma robe, j’étais crottée, fatiguée, enrhumée, et je voyais chaussures et vêtements, sans compter les petits chapeaux de velours, arrosés par les gouttières, s’en aller en ruine avec une rapidité effrayante…” George Sand. Elle retourne à Nohant en 1831 pour y retrouver ses enfants et écrire son premier roman Indiana dont Sandeau, par modestie, a refusé la paternité du livre auquel il était étranger. Le roman est donc signé George Sand. Publié en 1832, il dénonce les conditions de peu enviables des femmes en France à cette époque. Elle y revendique la liberté de la femme et le choix de l’homme avec qui vivre. Le roman provoque admiration et scandale. Sand devient la nouvelle coqueluche du milieu artistique et la protégée de Honoré de Balzac. En décembre de la même année, elle publie Valentine, ce qui accroît sa notoriété. “Qu’adviendrait-il du monde si toutes les femmes ressemblaient à George Sand”. Honoré de Balzac. En mars 1833, Sand rompt définitivement avec Sandeau pour incompatibilité d’humeur. Il est paresseux et nonchalant mais Sand ne se laisse pas abattre et fait très vite une nouvelle rencontre. Alfred Musset En juin 1833, le directeur de la revue des deux mondes, François Buloz, réunit les deux nouvelles stars de la littérature du moment lors d’une soirée à Paris. Sand a publié Lélia où l’héroïne pousse un jeune poète à l’athéisme et au suicide. Le public est choqué. De six ans son cadet, le vicomte a publié en 1829 Les Contes d’Espagne et d’Italie qui ont assuré sa réputation de dandy inspiré. Musset voit Sand comme une femme et comme un compagnon de littérature. Grand, beau, bond aux yeux bleus mais instable, parfois violent, talentueux poète, victime de crises délirantes accentuées par l’alcool ; lors d’une promenade dans la forêt de Fontainebleau, Musset est victime d’une crise d’hallucination où il croit voir un spectre de lui qui le regarde. En décembre 1833, ils partent pour en Italie ; à Florence puis à Venise. Mais Sand tombe malade. Les coliques et vomissements ont eu raison de leur idylle. Musset sort dans les cafés et couche avec des prostituées. Quelques jours plus tard, alors que Sand guérit c’est au tour de Musset d’être malade. Sans doute la fièvre typhoïde. Sand fait appelle à un jeune médecin vénitien de 26 ans, Pietro Paggiello qui devient vite son amant. Musset guéri, comprend vite qu’il est cocu et repart seul en mars 1834. Sand reste jusqu’en juillet mais en mal de ses enfants, décide de retourner à Paris en prenant dans ses bagages, le jeune Pietro. Sand et Musset Le retour à la réalité est brutal ; le beau médecin “fait partie du folklore italien” ce qui ne colle absolument pas avec le cadre de vie de Sand. Elle l’abandonne à Paris et part à Nohant. N’ayant pas perdu le contact, Musset et Sand se remettent ensemble en automne 1834, puis se séparent à nouveau en novembre. Désespérée, George se coupe les cheveux. Son ami Delacroix “le fameux barbouilleur” comme le nomme Sand, immortalise son portrait. Ils se réconcilient en janvier mais la jalousie de Musset et l’instabilité affective de George auront raison de leur histoire. Ils se séparent définitivement en mars 1835. Alfred publiera leur histoire en 1836. “On peut avoir le dernier mot avec une femme, à condition que le mot soit soit OUI”. Alfred de Musset. Frantz Litz, compositeur hongrois et pianiste et l’un des meilleurs amis de Sand la réconforte après sa rupture. Grâce à lui, elle découvre le récital. Pour Sand, l’art absolu c’est la musique. “Si j’avais eu une bonne éducation musicale, j’aurais voulu être compositrice et c’est là avec la musique que j’aurais pu rendre au plus juste mon état d’esprit”. George Sand. Le divorce Octobre 1835, la séparation judiciaire avec Casimir Dudevant est affirmée. Sous le Code Napoléonien, les procédures sont longues, compliquées et les préjugés dommageables pour les femmes infidèles même si les maris le sont aussi. Sand vit donc une vie rangée afin de montrer patte blanche et est défendue par Louis Michel qui sera son amant pendant 2 ans et aura une influence intellectuelle sur George. Le 16 février 1836, le divorce est enfin prononcé. Sand recouvre ses biens et obtient la garde de ses enfants. Politique Le 28 juillet 1835, à l’occasion du 5e anniversaire de la révolution de Juillet, le roi Louis-Philippe passe en revue la Garde Nationale. Il échappe de peu à un attentat mais l’explosion fait 18 victimes. Thiers, ministres de l’Intérieur profite de l’occasion pour faire voter des lois répressives il réorganise des cours d’assises pour le jugement des actes de rébellion et interdit toute contestation des principes du régime. Cette censure entraîne la disparition de trente journaux républicains. Romans En juillet 1836, George publie Simon ; roman sur la justice sociale, les conditions de vie modestes, la liberté et l’égalité des sexes et classes. Août 1837, elle publie Mauprat qui est un roman d’amour et d’éducation sur une histoire de famille à l’aube de la Révolution française. Hiver 1837, elle écrit plusieurs lettres sur la condition féminine dans “Le Monde”. En 1838, elle publie Les Lettres à Marcie qui sont un recueil sur la place de la femme au XIXe siècle. 1837/1838, elle publie La Dernière Aldini qui et un roman qui raconte l’histoire d’un chanteur italien qui connaît une ascension sociale et des passions amoureuses et Les Maîtres mosaïstes lui aussi marqué par le souvenir de l’Italie. Frédéric Chopin Né en 1810 dans un village près de Varsovie, d’un père français et d’une mère polonaise. Il a 26 ans, l’élégance d’un dandy, les yeux bleus mais est de santé fragile. Il donne très peu de concerts et joue devant un cercle choisi. Le 8 mai 1838, ils se rencontrent lors d’un récital qu’il joue chez Adolphe Custine. Sand, 32 ans, est séduite, lui non, méfiant de sa réputation. Mais dès juin, ils ne se quittent plus. À la fin de l’été 1838, Chopin manifeste des problèmes pulmonaires ; le couple prépare leur voyage pour Palma, île au large de Barcelone, s’y installent le 8 novembre avec les 2 enfants de Sand, puis s’établissent à Valldemosa, en pleine montagne, à la mi-décembre dans l’intention d’y rester jusqu’au printemps. Malheureusement, le voyage tourne court. Les mœurs de Sand et la piété de la population ne font pas bon ménage et les problèmes de santé de Chopin s’aggravent en raison d’un climat trop froid et humide. Il crache du sang. Ils repartent à la fin de février 1839 à Marseille afin de soigner Chopin, puis au bout de 4 mois de convalescence, il regagnent Nohant. La vie s’organise autour de Chopin ; l’hiver à Paris et l’automne à Nohant où les enfants les rejoignent. Maurice est élève dans l’atelier du peintre Eugène Delacroix et Solange est placée dans une pension non religieuse. Avril 1840, Sand se lance dans une nouvelle activité le théâtre. Cosima ou la haine dans l’amour. Mais cette pièce est un échec et Sand ne retentera l’expérience que 9 années plus tard. Sand engagée George est sensible à la misère. Dans les années 1840, la révolution industrielle est née ; la France devient ouvrière et les patrons ont le pouvoir absolu. Louis-Philippe qui est au pouvoir depuis 1830, est clairement du côté des riches, des compagnies minières et ferroviaires, et mène une politique de répression lorsque le peuple se révolte. La poésie populaire a été encouragée par la création de journaux tels que “La Ruche”, “L’Union” ou encore “L’Atelier”. Des hommes et des femmes d’origine modeste y publient leurs poèmes et sollicitent le parrainage d’hommes de lettres. Sand admire les poèmes de Charles Poncy, maçon toulonnais avec qui elle restera liée toute sa vie. Avec Agricol Perdiguier, menuisier avignonais, auteur du Livre du compagnonnage publié en 1839, elle apprend le fonctionnement du compagnonnage, son histoire et ses traditions. Elle s’en inspire pour Compagnon du tour de France qui paraît en décembre 1840. Le roman est mal accueilli par les libéraux et bonapartistes. En 1841, avec ses amis Pierre Leroux et Louis Viardot, Sand crée la “Revue Indépendante”, après avoir rompu son contrat avec “La Revue”, dirigée par Louis Buloz, qui publie aussi bien des poèmes écrits par les ouvriers mais aussi aussi des articles de politique étrangère. C’est un franc succès ! En Juillet 1843, une affaire marque son entrée dans la vie politique. Une idiote de 15 ans a été abandonnée dans la campagne par des religieuses de la Châtre et cette dernière fut retrouvée enceinte. Sand proteste dans son journal mais le procureur du roi à la Châtre lève toute sanction contre l’établissement. La même année, Sand publie Consuelo ; roman relatant de l’ascension sociale d’une bohémienne vivant un amour éphémère avec un comte. À l’automne 1843, le couple s’installe au square d’Orléans où les enfants ont leur place. Trois années se passent ainsi. La même année, Pierre-Jules Hetzel, sorte d’agent littéraire de Sand en plus d’être un ami proche, devient éditeur et conseiller de Sand dans la négociation de ses contrats avec les directeurs des journaux et revues. En 1844, Sand publie Jeanne tirée de cette histoire. La même année, Sand décide de créer son propre journal “L’Éclaireur” qui couvre les départements de l’Indre, du Cher et de la Creuse. Sand dispose maintenant de deux tribunes de genres très différents et utilise sa notoriété afin d’être l’un des porte-parole les plus actifs et les efficaces de son époque. Elle y écrit des romans dans lesquelles ses préoccupations politiques se trouvent discutées par les personnages qu’elle met en scène. En Janvier 1845, Sand publie, dans “La Réforme”, Le Meunier d’Angibault qui dénonce les préjugés liés au sexe et à la condition sociale. Un nouveau personnage attend son heure Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier n’a que 6 ans lorsque son oncle vogue vers Sainte Hélène et connaît lui-même l’exil en 1815. Élevé en Allemagne puis en Suisse dans le culte de son oncle et le désir de rendre la prestance perdue aux Bonaparte. Il rejoint l’artillerie suisse en 1830 puis, après la mort de son frère aîné Napoléon-Louis en 1831 et celle de l’Aiglon en 1832, Louis-Napoléon Bonaparte devient le seul prétendant à la couronne. Il tente deux coups de force à Strasbourg en 1836 et à Boulogne en 1840. Le roi Louis-Philippe le fait enfermer au fort de Ham d’où il s’échappera au bout de 6 années de captivité, en 1846. En mai 1846, les tensions entre Sand et Chopin se multiplient. Le 19 mai 1847, Solange se marie avec Auguste Clésinger, un sculpteur. Chopin est réticent à propos de cette union et Sand le remet méchamment à sa place car il ne fait pas partie de la famille. Courant mai, Solange demande de l’argent à sa mère afin d’éponger les dettes de son époux, une scène éclate et Solange et son mari sont mis à la porte définitivement. Chopin prend la défense de Solange qu’il affectionne et veut continuer à la voir. Sand ne lui pardonne pas et cet épisode met fin à leurs 8 années de relation. La même année, Sand publie La Mare au Diable, une intrigue amoureuse, qu’elle dédie à Chopin. En 1847, elle publie Le Péché de Monsieur Antoine qui ressemble au Meunier d’Angibault puis commence la rédaction de son autobiographie Histoire de ma vie. Auguste Clésinger Solange Dudevant Révolution de 1848 Provoquée par une série de facteurs économiques et le mécontentement à l’égard du peuple, cette révolution est souhaitée par les libéraux, les bonapartistes, les républicains et les socialistes. La fusillade du boulevard des Capucines a mis le feu aux poudres. Dans la nuit du 23 au 24 février 1848, Paris s’est hérissé de barricades. Au matin, les émeutiers de la veille sont devenus des révolutionnaires. Louis-Philippe commet l’erreur de confier le commandement des troupes de la capitale à l’impopulaire maréchal Bugeaud dont le nom rime avec répression. Quant aux ministres, pour rétablir l’ordre, ils “inondent” Paris de la Garde Nationale, qui a le plus grand mal à contenir les insurgés. Ces derniers prennent d’assaut les Tuileries, un poste à l’angle de la place de la Concorde et de l’avenue Gabriel, puis le Château d’Eau. Le roi est dépassé, en quelques heures, le pouvoir a basculé. Le roi abdique et fuit en Angleterre. Trois jours avaient porté Louis-Philippe au pouvoir ; trois jours l’en firent glisser à jamais. Seconde République 1848-1852 La République est prononcée le lendemain et à sa tête Alphonse de Lamartine qui rédige une nouvelle Constitution abolition de la peine de mort pour les délits politiques, abolition de l’esclavage et de la censure et le suffrage universel est accordé aux hommes. Sand est enchantée ! Elle publie un conte d’auteur, des brochures pour faire des propositions pratiques sur ce qui doit être changé. En mars 1848, Sand croise Chopin par hasard, dans l’escalier que conduit à chez une amie commune, et apprend par ce dernier que Solange a donné naissance à une petite Jeanne. Malheureusement le bébé mourra au bout de quelques jours. Quelques jours plus tard et seulement pour quelques mois, Maurice est élu maire de Nohant-Vicq et Sand veut que les listes électorales de l’Indre pour l’assemblée nationale comportent au moins un candidat ouvrier et un paysan. Rude besogne. Le paysan bourrichon est méfiant et le notable n’entend pas partager le pouvoir. Sand publie plusieurs appels au peuple, l’invitant au courage et à la détermination. Sand fonde un nouveau journal très à gauche “La cause du peuple” qui commence à paraître le 9 avril et ne comptera que 3 numéros. Elle y expose son point de vue sur les événements du moment parfois en se faisant passer pour un homme ou une femme de condition modeste. Sand est considérée comme l’égérie, la muse par les ennemis de la révolution. Seulement, à peine trois mois plus tard, cette jeune république menée par des libres pensants, tel que Alphonse de Lamartine, vivant dans le luxe et n’ayant pas les connaissances sur les besoins de la populace française, ne satisfait pas la classe ouvrière qui sombre chaque jour un peu plus dans la misère. Le peuple est en colère et le temps des barricades et un gouvernement républicain donnant les pleins pouvoirs à l’armée. Bilan 15000 morts. Sand est révoltée. Le climat politique se dégrade de jour en jour. Le 15 mai, des radicaux pénètrent dans le Palais-Bourbon et les chefs proclament la dissolution de l’Assemblée Nationale. Le coup d’État avorté, les arrestations se succèdent dont les amis de Sand tels que Barbès, Blanqui et Raspail qui sont conduits en prison. Le 23 juin le gouvernement dissout les ateliers nationaux organisation destinée à fournir du travail aux chômeurs parisiens après la révolution de février 1848, la capitale est secouée par de violentes bagarres de rues. L’état de siège est proclamé et le général Cavaignac, ministre de l’Intérieur, choisit de réprimer avec fermeté l’insurrection. Bilan plus de 5000 morts et des milliers de déportés en Algérie colonisation du pays pour un certain nombre d’opposants. Sand est accablée. Cette révolution aura raison et de “L’Éclaireur” et de la “Revue Indépendante” qui cesseront de paraître en Juillet. En mai 1849, Solange met eu monde une deuxième petite Jeanne. La naissance rapproche Solange de sa mère mais les relations restent tendues. Le 17 octobre 1849, à 39 ans, après une tournée de concerts éprouvants, Chopin meurt de la phtisie dont il a souffert toute sa vie. Cette même année, Sand publie La petite fadette. Petit secret Auguste Clésinger réalise son masque mortuaire, un moulage de sa main et le monument funéraire au cimetière du Père-Lachaise. En décembre 1849, deux hommes arrivent à Nohant. Hermann Müller Strubing, musicien allemand et ami de Pauline Viardot cantatrice et amie de Sand et Alexandre Manceau, un graveur de 31 ans et ami de Maurice. De 14 ans son cadet, il sera son amant et son secrétaire. Manceau Louis-Napoléon profite de la révolution de 1848 pour rentrer en France. Après la chute de Louis-Philippe et l’avènement de la IIe République, la Constitution prévoit l’élection d’un président de la République au suffrage universel. Louis-Napoléon est candidat et organise une propagande efficace ; son programme a de quoi convaincre tous les partisans d’un ordre sans appel ni faiblesse. Avec 5 434 000 voix, soit 72% des suffrages exprimés, c’est un prince-président qui entre à l’Élisée. Sand voit dans cette élection la preuve que le temps de d’une république égalitaire et fraternelle n’est pas encore arrivé. En effet, trois années de gouvernement difficiles où la liberté d’expression se trouve entravée. Louis-Napoléon a la ferme intention se rétablir l’Empire ! Dès 1849, Sand redonne place au théâtre. Théâtre de société ou de marionnettes, mère et fils travaillent ensemble. François le Champi est un succès grâce au charme et à la simplicité de la pièce. En 1851, Claudie est joué, c’est un succès, puis Le Mariage de Victorine mais le coup d’État de Louis-Napoléon provoque son interruption. Un premier roman est directement inspiré des activités théâtrales de Nohant Le Château des Désertes. Louis-Napoléon met sur pied l’opération “Rubicon” le 2 décembre 1851, jour de l’anniversaire d’Austerlitz et du sacre. Quelques barricades sont dressées dans Paris, quelques émeutes éclatent dans les départements les plus républicains, ce qui entraîne une vague d’arrestations, mais l’opération réussit. La dictature est en place. Louis-Napoléon dissout l’Assemblée Nationale et appelle les français à approuver une nouvelle Constitution par un plébiscite, qui rétablira l’Empire vote direct du peuple sur la confiance donnée à un homme ayant accédé au pouvoir. Dès le Ier janvier 1852, Louis- Napoléon quitte le palais de l’Élysée pour celui des Tuileries. L’Empire est de retour. Sand profite de sa notoriété pour demander audience afin de plaider la cause d’amis républicains condamnés à mort, à la prison à vie ou à la déportation en Algérie. Elle reçoit le soutien du comte d’Orsay et du prince Jérôme, cousin de Louis-Napoléon. Son intervention est vue comme une trahison de la part des socialistes et républicains. Les accusations se multiplient, les insultes fusent mais sa notoriété est intacte ; son lectorat a augmenté. Sand se retire peu à peu de la vie politique. Petit secret frappé par le décret de bannissement du 9 janvier 1852 avec 65 députées de l’opposition, Victor Hugo quitte Paris pour Bruxelles puis pour les îles anglo-normandes. Victor Hugo Sand et Hugo ne s’apprécient pas mais les événements précédents les rapprochent. La résistance de Hugo à l’égard de la politique d’un Bonaparte qu’il a d’abord soutenu, le bannissement dont il est l’objet, la publication “d’histoire d’un crime” puis de “Napoléon le Petit” en 1852 suscitent l’intérêt et la sympathie. À partir de 1855, les deux auteurs entretiennent une relation épistolaire sans jamais se rencontrer. “Nini”, la petite fille de Sand meurt en 1855 et Victor Hugo est toujours marqué par le décès de sa fille Léopoldine en 1843. Devenu Napoléon III, Louis-Napoléon est un empereur avide de gloire militaire mais sous son règne, la France s’épanouit dans l’ère industrielle grâce à la sidérurgie et l’essor des chemins de fer, et la modernité avec l’établissement de grandes banques d’affaires telles que Rothschild ou encore Pereire ainsi que des établissements de crédit. Enfin, la production agricole augmente considérablement pour nourrir convenablement un pays prospère. En 1855, Napoléon III décide la tenue à Paris de la première exposition universelle des produits agricoles et industriels, ouverte aux productions de toutes les nations ; en parallèle se déroulera une exposition des beaux-arts. Petit secret En 1837, les frères Pereire, des banquiers visionnaires, ont contribué à créer la première ligne de chemin de fer relient Paris à Saint-Germain et à Versailles. Grâce aux Crédit immobilier les frères financent la plupart des réseaux de chemin de fer, les compagnies de gaz et des omnibus historiquement, un véhicule à traction hippomobile assurant un service de transport public régulier. Le terme a donné ses dérivés autobus et bus à Paris. Entre 1851 et 1855, paraient dans ” l’Illustration”, cinq articles de Sand sur les coutumes du Berry. 1853, Sand publie Mont-Revêche et la filleule qui traitent des relations difficiles entre les générations. En 1854, Émile Girardin fondateur de la presse en 1836 qui se porte acquéreur des droits de publication d’Histoire de ma vie dans son journal. Du 5 octobre 1854 à juin 1855, 138 feuilletons y sont publiés. Le succès est énorme. La même année, Maurice et Sand disposent d’un vrai théâtre et donnent plusieurs pièces entre avril et septembre Oswald, Yseult de Vivonne, Elfrida la Juive, Richard XXII, Arthur Ier, L’Auberge du Haricot vert et bien d’autres encore. Les scénarios sont de Maurice et parfois de Sand et les acteurs sont Maurice et Eugène Lambertami de Maurice. Décembre 1854 sonne la séparation officielle de Solange avec Auguste Clésinger. La mésentente des époux durait depuis quelques années tout comme la vie “dissolue” de Solange, ce que désapprouve Sand. Elle décide donc de demander la garde de sa petite-fille. Clésinger, irrité de l’ascendance de sa belle-mère sur sa famille, il fait placer la petite Jeanne dans une pension parisienne en attendant de savoir qui aurait la garde. Quelques jours plus tard, Sand l’obtient mais la petite Jeanne meurt d’une scarlatine mal soignée dans la nuit du 13 au 14 janvier 1855. Elle n’avait pas encore 6 ans. Le 11 mars 1855, Sand, Manceau et Maurice partent pour l’Italie jusqu’au 29 mai. Vers 1855/56, Alexandre Manceau se voit confier l’administration de Nohant dont il s’acquitte scrupuleusement en plus d’être mêlé aux activités du théâtre. L’été 1857, lors d’une randonnée, Sand et Manceau découvrent la vallée de la Creuse et arrivent dans le petit village de Gargilesse dont ils tombent amoureux. En mai 1858, Manceau fait l’acquisition d’une petite maison que Sand appelle “Villa Algira” ou “Villa Manceau”. Ils y feront de brefs séjours réguliers. Le 10 janvier 1858, après plusieurs mois de travaux, le couple s’installe dans leur maison à Gargilesse, dans la Creuse mais Maurice est jaloux de leur relation et Sand se met en quête de lui trouver une épouse. En Octobre 1858, sous le titre Légendes rustiques, Sand publie encore 12 légendes berrichonnes parmi lesquelles Les Pierres-Sottes ; Les Laveuses de nuit ; Le Menu de loups ; Le Moine des Etangs-Brisses ; Les Flambettes…. 1859, un deuxième roman inspiré des activités théâtrales voit le jour L’Homme de neige. Il paraît dans “la Revue des Deux Mondes “et signe la réconciliation entre Sand et le directeur de journal François Buloz. En 1862, Sand publie Tamaris, roman d’amour, inspiré par son premier séjour dans le midi au printemps 1861. Le 17 mai 1862, à 39 ans, Maurice épouse Lina Calamatta, âgée de 20 ans et fille de son ami, peintre et graveur Luigi Calamatta. “J’épouse Maurice car je ne peux épouser la mère”. dit Lina. Sand affectionne particulièrement sa belle fille. Le 14 juillet 1863, anniversaire de la prise de la Bastille, le petit Marc-Antoine voit le jour et fait le bonheur de toute la famille. Lina Calamatta En 1863, Les relations entre Maurice et Manceau sont devenues impossibles. En mars 1864, Sand décide de s’installer à Palaiseau, en banlieue parisienne, avec Manceau qui présente depuis quelques temps les mêmes signes de maladie que Chopin. Le graveur écrira Pendant les quatorze ans que j’ai passés ici, j’ai plus ri, plus pleuré, plus vécu que pendant les trente-trois qui les ont précédés ». En juin, Maurice quitte Nohant pour Guillerny afin de présenter le petit Marc-Antoine au baron Dudevant mais le bébé tombe malade et meurt de la dysenterie le 21 juillet 1864. Médaillon contenant les cheveux du petit Marc-Antoine Coté théâtre, en mars 1864, Sand fait l’adaptation de son roman Le Marquis de Villemer, drame sentimental aux accents égalitaires, auquel Alexandre Dumas fils a mis la main la patte. C’est un triomphe ! Courant année 1864, la maison de Gargilesse est vendue à Maurice malgré les tensions avec Manceau alors que les rapports entre Sand et Solange continuent eux aussi à se dégrader. De plus, Solange ne travaille pas et continue de demander de l’argent à sa mère. Lorsque la jeune femme fait part de son projet de s’installer dans le Berry, Sand met son “véto”. Sa fille, de part son antipathique avec ses amis et de ses idées totalement opposées à celles de sa mère, Sand veut s’épargner des disputes avec sa fille et entend garder sa liberté de recevoir ses amis. Solange décide de rompre les relations avec sa mère alors que cette dernière lui verse une une pension et ce jusqu’en octobre 1865. Sand, 1864 En 1865, l’état de Manceau continue de se dégrader. Le graveur meurt de la tuberculose à 47 ans, le 21 août. Sand perd celui dont elle disait Il est ma force et ma vie ». Par testament, Manceau a désigné Maurice légataire universel. La même année, Sand publie Confessions d’une jeune fille qui parle de relations familiales difficiles. Sand retourne à Nohant et vend Palaiseau en 1869. 10 janvier 1866, Lina met au monde une petite fille nommée Aurore. Grâce à cette naissance, Nohant revient à la vie. La même année, Sand publie Le Dernier Amour dans la “Revue des Deux Mondes”. 11 mars 1868, une deuxième petite fille agrandit la famille ; Gabrielle. La même année, Sand publie Mademoiselle Merquem. Roman parlant d’une jeune fille cultivée qui marraine une petite communauté utopique. Il offre une vision idéalisée de la société et de l’amour. 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse ; le 1er septembre défaite de Sedan. Napoléon III s’est rendu aux Prussiens. Le Second Empire prend fin dans la débâcle. Le 4 septembre, la Troisième République septembre 1870-juillet 1940 est proclamée à Paris. Le 28 janvier 1871, c’est l’Armistice. Thiers est le chef du pouvoir exécutif ; l’Alsace et la Lorraine sont saisies par l’Empire allemand. En 1871, Sand, âgée de 67 ans, vit en harmonie avec sa famille à Nohant sous la houlette de Maurice, seul maître désormais. Le temps des conflits est terminé. Lina avec Aurore et Gabriella En juin 1872, Sand adapte Mademoiselle La Quintinie, intrigue amoureuse, au théâtre. Puis à l’automne, elle publie en feuilleton Nanon, roman évoquant la Révolution du point de vue de la paysannerie, classe majoritaire dont le XIXe siècle a peu tenu compte. Sand publie aussi des contes pour enfants sous le titre de Contes de grand-mère, dédiées à Aurore et Gabrielle. Vers 1874, ayant des problèmes de santé qui l’empêchent de voyager, Sand s’adonne à l’aquarelle et pratique avec dextérité à la “dentrite”; technique qu’elle appelle aussi “aquarelle à l’écrasage”. La couleur est déposée au pinceau sur le papier et pressée encore humide avec une feuille absorbante pour obtenir une tâche aléatoire. Elle accuse ensuite certaines lignes à l’aiguille et à la plume ; elle achève enfin ce paysage imaginaire à l’aquarelle, parfois rehaussée de blanc, en utilisant la réserve du papier. Cet écrasement produit des nervures parfois curieuses. Mon imagination aidant, j’y vois des bois, des forêts ou des lacs, et j’accentue les formes vagues produites par le hasard. George Sand. 1875, Sand publie Flamarande, qui aborde l’importance de la famille, la rigidité de la morale et d’autres thèmes qui lui sont chers ; Marianne Chevreuse relatant une histoire d’amour ; ainsi qu’une nouvelle série de contes. Sand, entourée de sa famille, 1875. En mai 1876, Sand souffre atrocement d’une occlusion intestinale probablement causée par un cancer de l’intestin. Elle écrit sa dernière lettre à son petit neveu Oscar Cazamajou petit fils de Caroline Delaborde “J’ai fait mon temps, et ne m’attriste d’aucune éventualité . Je crois que tout est bien, vivre et mourir, c’est mourir et vivre de mieux en mieux”. Sand demande à Solange d’installer un lit de camp devant la fenêtre pour pouvoir regarder les deux cèdres qu’elle avait fait planter pour la naissance de Maurice et de Solange. Sand interdit sa chambre à Maurice et à ses petites filles tandis que René Simonnet petit fils d’Hippolyte Chatiron et Oscar Cazamajou sont auprès d’elle la journée. Le 7 juin, Sand réclame ses petites filles puis le lendemain son état décline encore. Dans ses derniers instants, Sand murmure “Laissez verdure” . Ce 8 juin 1876, à 9h30, la Dame de Nohant s’éteint. “L’absence et la mort ne diffèrent pas beaucoup, on ne se quitte pas, on se perd de vue mais on sait bien que n’importe où on se retrouvera”. George Sand. Sources Biographie de George Sand par Martine Reid George Sand Secrets d’Histoire Le Larousse des Rois de France Le Grand Atlas Les Rois de France 1001 secrets d’histoire de France Le bel esprit de l’Histoire Le dernier amour de George Sand par Evelyne Bloch-Dano musée de la vie romantique Tweet Share 0 Reddit +1 Pocket LinkedIn 0
GEORGE SAND ET SA FILLE D’APRÈS LEUR CORRESPONDANCE INÉDITE I DE L’ENFANCE AU MARIAGE 1828-1847. Sois bonne, entends-tu ? bonne avant tout, bonne toujours… » Lettre de G. Sand à sa fille. I Les fêtes récentes du Centenaire de George Sand, les publications de toute sorte auxquelles la vie de l’illustre écrivain a donné lieu durant ces dix ou douze dernières années[1], semblent avoir laissé peu de chose à découvrir sur sa personne et sur son caractère. Les divers aspects de cette grande figure sont aujourd’hui connus, les traits principaux fixés, ainsi qu’un certain nombre de traits secondaires. On connaît la jeune épouse de Casimir Dudevant[2], au génie encore endormi et vague ; on connaît l’amoureuse platonique d’Aurélien de Sèze[3], déjà attentive à l’appel de la vocation ; on a étudié maintes fois la révoltée romantique, Lélia, et, hier encore, on confessait définitivement, — selon toute apparence, — la douloureuse amante de Musset ; on n’a jamais ignoré la mère de Maurice ; l’amie nous est révélée par la correspondance de Flaubert et par vingt autres ; la grand’mère enfin, et la bonne dame de Nohant, » sont entrées de plain-pied dans l’histoire, j’allais presque dire dans la légende. Des ombres et des rayons qui composent cette vie, les unes sont aujourd’hui éclaircies, les autres consacrés. Un point s’est jusqu’ici dérobé à l’investigation de la critique. George Sand eut deux enfans, qui tous deux lui survécurent Maurice, mort le 4 septembre 1889 ; Solange, morte le 17 mars 1899. Abondamment renseigné sur la mère de Maurice, le public ignore à peu près tout de la mère de Solange. Regrettable lacune, qui masque tout un aspect de cette vie, et qui empêche d’en tirer en quelque sorte la contre-épreuve intime. Car la fille de George Sand, — si l’on en juge par les rares pages qui lui ont été consacrées[4], — n’était point femme à passer inaperçue, même auprès de sa mère. Très fille de George Sand par les riches dons de l’intelligence, elle l’était aussi peu que possible par l’imprévu de son caractère et la personnalité de ses goûts. Avec de telles oppositions, les rapports des deux femmes durent être dépourvus de banalité. Leur correspondance ne pouvait manquer d’être la pierre de touche de leur caractère. Il était intéressant de savoir comment George Sand s’était comportée dans cette épreuve, de toutes peut-être la plus périlleuse. D’illustres exemples littéraires nous montrent ce que peuvent être, en pareil cas, les mésintelligences du sang. Mais jusqu’ici régnait, sur ce point, une obscurité complète. Était-ce donc pour quelque fâcheuse raison que, sauf allusion aux années d’enfance de Solange, aucune lettre de George Sand à sa fille n’avait été admise dans la Correspondance en six volumes[5]publiée par les soins de son fils ? Sinon, comment interpréter un silence qui ressemble à une exclusion ? L’explication est en vérité plus simple. Elle tient beaucoup moins aux rapports de la fille et de la mère, qu’aux rapports de la sœur et du frère, à la date de 1883. Maurice Sand, après la mort de sa mère, fut encouragé par ses amis à publier certaines de ses correspondances. Il lança un ballon d’essai, dans la Revue des Deux Mondes, en janvier 1881. Le succès le décida à poursuivre ; il projeta dès lors une publication en six volumes. Solange désapprouvait en principe l’entreprise ; elle était, au surplus, brouillée avec son frère. Aussi, quand Maurice lui demanda communication des lettres qu’elle avait reçues de sa mère, en vue d’un choix, répondit-elle par une fin de non-recevoir. Elle prétendit avoir tout détruit. Elle avait tout gardé. Tout, c’est évidemment trop dire. Du moins avait-elle conservé, et cela dès l’enfance le détail a son prix, la plupart des feuillets noircis par cette mère d’élite, qui l’avait toujours aimée et conseillée, et à laquelle Solange, en dépit de maintes incartades, avait aussi rendu affection pour affection. Si donc la fille de George Sand a pu paraître exclue de la correspondance de sa mère, ce ne fut que par sa faute. Faute qu’elle regretta, sur la fin de sa vie ! Après la mort de son frère, un secret désir semble être né chez elle de reprendre, dans la mémoire de la mère glorieuse, une place, — sinon la première, que Maurice avait toujours occupée, — du moins la juste place que George Sand lui avait constamment gardée dans sa vie et dans son cœur. Ce désir était d’autant plus respectable qu’il se liait chez elle au souvenir d’un petit enfant, sur la tombe duquel la mère et la fille confondirent leurs plus douloureuses larmes. Aussi prit-elle soin qu’après elle, parmi les rares papiers dont elle n’ordonnait point la destruction, fussent ceux qui avaient trait à ses rapports avec sa mère, et qu’ils fussent remis entre des mains qui en sauraient le prix[6]. Ce sont ces papiers, dont nous offrons au public des fragmens importans. Ils ne contiennent, à vrai dire, aucune révélation sensationnelle, » et de cela nous nous félicitons. Mais ils retracent une histoire vécue, abondante en péripéties, au total inconnue, d’où se dégagent quelques utiles enseignemens. Ils complètent le dessin d’une vie mémorable, et ils en ébauchent une autre en regard. Nous croyons, en publiant ces pages intimes, ne pas céder simplement à un goût d’indiscrétion et de vaine curiosité. D’ailleurs, à l’intérêt psychologique et moral se joint parfois, ici, l’intérêt des faits et des choses. Chemin faisant, ces pièces éclairciront certains points de biographie, en rectifieront d’autres. Solange, qui mériterait peut-être une étude, rend en un sens cette étude superflue par la façon dont elle se peint dans ses lettres. Sur certains faits de la vie de son mari Clésinger, ou de Chopin, Chopin et Clésinger déposeront eux-mêmes. Témoignages très instructifs. Mais ce qui ressort surtout de ces papiers jaunis, ce qui s’affirme avec une décisive autorité, c’est la supériorité de vues, le constant courage, le dévouement inébranlable dont George Sand multiplia les preuves dans ses lettres à Solange enfant, à Solange jeune femme et mère, à Solange épouse malheureuse, à Solange libérée et tentée par la carrière littéraire. Dans cette haute direction vers le bien qu’elle désira lui imprimer toujours sans tyranniquement la lui imposer, George Sand nous apparaît sous trois aspects nouveaux, et comme dans trois rôles rôle d’éducatrice pendant la formation ; rôle de défenseur et de directeur de conscience pendant la crise morale plus tard, rôle de guide et de conseiller littéraire. Ainsi se présente-t-elle à nous, partout mère infatigable, et digne assurément d’être mieux écoutée. La plupart des malheurs de Solange lui vinrent de n’avoir prêté qu’une oreille indocile à cette voix. Parfois le bonheur nous manque, et parfois aussi c’est nous qui lui manquons. Un beau caractère manqué, une vie manquée, sont choses qui tournent à la confession délicate, sous la plume des intéressés. Et puis, à côté d’eux, il y a les autres. Aussi une certaine réserve s’imposait-elle à nous, dans le choix de nos documens. Quoiqu’il ne s’agisse que de personnes disparues, ce n’est pas à des morts qui ont souffert de leurs fautes que l’on doit toute la vérité. Nous avons dit ici du moins toute celle qui était utile à connaître, toute celle qui était compatible avec le respect des personnes. Et nous tâchons d’unir, dans cet exposé sincère, quelques égards nécessaires à beaucoup d’impartialité. II Gabrielle-Solange Dudevant naquit à Nohant, le 13 septembre 1828, pendant la visite inopinée que fit à sa mère Aurélien de Sèze[7]. L’amoureux platonique de Mme Dudevant, en correspondance réglée avec elle, était inquiet d’un long silence et du trouble moral que manifestaient les dernières lettres reçues il quitta Bordeaux pour revoir, après plus d’un an, celle dont il s’était peu à peu constitué le directeur spirituel et littéraire. Il ne fut pas peu stupéfait de trouver une femme absorbée par les préparatifs d’une layette. Au cours de cette visite, Aurore eut une frayeur qui hâta la venue de l’enfant. Solange arriva très petite et fluette, d’ailleurs bien constituée. Elle devait énergiquement rattraper le temps perdu. Son premier développement, entre 1828 et 1835, est décrit dans le premier volume de la Correspondance de sa mère. Le 27 décembre 1828, Solange est encore bien petite et bien délicate » pour que Mme Dudevant risque le voyage de Paris auprès de sa mère. Du reste, elle est fraîche, et jolie à croquer, » déjà ! Elle engraisse bientôt, et si rapidement, qu’au mois de mars 1829, c’est une masse de graisse, blanche et rose, où on ne voit encore ni nez, ni yeux, ni bouche. C’est un enfant superbe, quoique né imperceptible ; mais, pour espérer que ce soit une fille, il faut attendre qu’elle ait une figure. Jusqu’ici elle en a deux, aussi rondes et aussi joufflues l’une que l’autre. » Cette santé rassurante permet à la mère d’aller et de venir. Elle fait, en novembre-décembre 1829, le voyage de Périgueux ; Boucoiran, le précepteur de Maurice, remplira par surcroît le rôle de nourrice sèche auprès de Solange. Ayez aussi l’œil sur ma petite pataude, et l’oreille à ses cris. » Boucoiran annonce un rhume. Ma fille est enrhumée, dites-vous ? Si elle l’était trop, faites-lui le soir un lait d’amandes, vous avez ce petit talent ; mettez-y quelques gouttes d’eau de fleurs d’oranger, et une demi-once de sirop de gomme. » La jeune femme revient sur ces entrefaites, et peut annoncer à sa mère 29 décembre 1829 les merveilles de ce petit prodige de quinze mois Ma fille commence à parler anglais et à marcher. Elle a une bonne qui lui parle espagnol et anglais. Si cela pouvait continuer, elle apprendrait plusieurs langues sans s’en apercevoir. » Mais cela ne continua pas. La jeune Pépita était malpropre et paresseuse, avec cela imprudente. Il fallut la renvoyer. Solange fut confiée à la femme d’André, le domestique. Elle était d’ailleurs belle comme un ange, blanche comme un cygne, et douce comme un agneau… » Elle ressemble, dit-on, à Maurice ; elle a de plus que lui une peau blanche comme la neige. » Maurice avait le teint bistré, des yeux bruns magnifiques, une superbe tête d’enfant. Plus âgé que Solange de cinq ans, il occupait déjà le crayon d’Aurore, qui tâchait de fixer sur le papier son caractère de beauté tout italien. De là des portraits envoyés à Mme Maurice Dupin. Tels sont les placides passe-temps de la jeune Mme Dudevant, à la veille de la Révolution de 1830. L’annonce des journées de Juillet la bouleversa. L’énergie qui dormait au cœur de la mère se réveille soudain. Elle écrit à Boucoiran, alors à Paris, le 31 juillet Je me sens une énergie que je ne croyais pas avoir. L’âme se développe avec les événemens. On me prédirait que j’aurais demain la tête cassée, je dormirais quand même cette nuit ; mais on saigne pour les autres. Ah ! que j’envie votre sort ! Vous n’avez pas d’enfant ! Vous êtes seul ; moi, je veille comme une louve sur mes petits. S’ils étaient menacés, je me ferais mettre en pièces. » À ce cri frémissant de la passion maternelle, succède cet autre, qui annonce déjà, chez la jeune Berrichonne elle a vingt-six ans la future George Sand S’il ne fallait que mon sang et mon bien pour servir la liberté ! Je ne puis pas consentir à voir verser celui des autres, et nous nageons dans celui des autres ! » Mot qui fait déjà songer à celui d’une lettre à Dumas, beaucoup plus tard Les autres, est-ce qu’il y en a, des autres ? » Cependant cet altruisme » naissant commençait, comme la charité bien ordonnée, par lui-même. Il fallait s’affranchir, avant d’affranchir autrui. C’est de janvier 1831 que date la première émancipation. On sait qu’à cette date, Aurore, armée de griefs sérieux contre son mari, passa un contrat avec lui, qui lui donnait licence de mener une existence en partie double, six mois de l’année à Paris et six mois à Nohant, et de tenter à ses risques la carrière des lettres. La première séparation coûta peu à l’épouse, et pour cause ; elle coûta beaucoup à la mère. Je suis enfin libre, mais je suis loin de mes enfans[8]. » Cependant il le fallait. Le problème sera maintenant, pour elle, d’accorder la passion littéraire avec l’amour maternel, qui fut toujours chez elle, lui aussi, une véritable passion. L’axe de sa vie est désormais tracé suivant cette ligne. D’instinct et de volonté tout ensemble, elle le suivra, non sans faux pas momentanés, mais en reprenant vite son aplomb, par l’énergique manœuvre de ce double balancier. Dès la première fugue, elle jette ce rappel à Maurice Solange parle-t-elle quelquefois de sa maman ? Empêche qu’elle ne m’oublie. » 25 janv. 1831. En avril, elle rentre au foyer. Je me porte tout à fait bien, écrit-elle à sa mère, depuis que j’ai revu mes enfans. Ce sont deux amours. Solange est devenue belle comme un ange. Il n’y a pas de rose assez fraîche pour vous donner une idée de sa fraîcheur. » Toutefois, le premier enchantement passé, sa perspicacité, aiguisée par l’absence, lui montre vite la différence de ces deux amours. » À la même, 31 mai 1831 Ma fille est belle et mauvaise, Maurice est maigre et bon… Je gâte un peu ma grosse fille ; l’exemple de Maurice, qui est devenu si doux, me rassure pour l’avenir. » Même note, le 9 septembre Maurice est toujours maigre, sa sœur toujours énorme, Nohant toujours tranquille, La Châtre toujours bête. » Mais déjà la séparation lui paraît trop dure. Dès 1832 elle caresse l’idée d’emmener à Paris au moins l’un de ses enfans. Ce sera Solange. Car, à prendre Maurice, il faudrait emmener le précepteur, chose impossible. Au reste, elle a commencé elle-même l’instruction de sa fille ; elle continuera, tout en écrivant Indiana Solange est plus rose que jamais. J’espère vous la conduire ce printemps. Elle est assez raisonnable pour faire un tour à Paris avec moi ; vous verrez qu’elle est bien gentille et bien caressante ; mais vous serez effrayée de sa grosseur ; je voudrais bien la voir s’effiler un peu. » À Mme Dupin, 22 fév. 1832. Six semaines après, Solange est à Paris avec sa mère, quai Saint-Michel. Elle a trois ans et demi. D’abord désorientée, elle demande son compagnon de jeux, Maurice ; elle pleure quand elle voit son portrait, se console devant la girafe du Jardin des Plantes, rit, babille. Le matin, elle grimpe dans le lit où George Sand s’attarde après une nuit d’écriture. Puis elle court au balcon, voir les pots de fleurs le balcon de Jenny l’ouvrière chez Lélia ! [9] ; elle brise les plantes et les raccommode avec des pains à cacheter, bref, elle fait ces adorables sottises que toute maman se complaît à raconter. Bientôt elle s’enhardit, et le fond de la nature reparaît Solange commence à s’accoutumer à Paris et à devenir méchante. Jusqu’à présent elle était si étonnée de tout ce qu’elle voyait, qu’elle ne pensait pas à avoir des caprices. À présent elle en a pas mal ; mais je ne lui cède pas, et elle redevient gentille 17 mai 1832, à Maurice. » Elle apprend à lire ; elle est avide de savoir. L’été les ramène à Nohant, suivant les clauses du traité, et l’hiver les voit dans le nouveau logis du quai Malaquais, petit mais bien clos, fourré de tapis George Sand était très frileuse, facile à chauffer, et excellent pour travailler. » Travail littéraire déjà nocturne ; l’habitude en était prise dès avant la naissance de Solange. Maintenant fin 1832, Solange lit tous les jours, sort avec la bonne, demande à aller au pestacle le spectacle préféré de la jeunesse et des artistes est alors Franconi ; une histoire complète du romantisme devrait avoir un chapitre sur ce cirque littéraire » ; entre temps, dit des impertinences, appelle un ami de sa mère vieux bavard, vieille bête ; » au total, assez aimable, et fort divertissante. Sa mère est obsédée, le jour, de visiteurs qu’attire le succès inouï d’Indiana, de Valentine, et de la Marquise. Le soir je m’enferme avec mes plumes et mon encre, Solange, mon piano et mon feu. Avec cela, je passe de très bonnes heures… Solange me donne plus de bonheur à elle seule que tout le reste. Elle a fait de grands progrès d’intelligence et de gentillesse depuis ces quatre mois. » 20 décembre 1832. En mars 1833, George Sand fait venir Maurice de Nohant, et le met au lycée Henri IV il a près de dix ans. La mère a donc ses deux enfans sous la main. Littérature et maternité, c’est bien son programme. Cela complique un peu la rédaction de certains chapitres de Lélia ; car, si Maurice n’a que la grippe à Henri IV, Solange a la coqueluche au quai Malaquais, et la mère fait la navette. Mais enfin les maladies cèdent, l’été de Nohant rétablit les santés, et la production littéraire va toujours son train. L’hiver de 1833-1834 s’annonce laborieux et calme. Calme trompeur ! C’est durant cet hiver qu’éclata l’orage de passion, accompagné de scandales divers, qui bouleversa deux ans de cette existence aussitôt après, survinrent les luttes domestiques qui faillirent expulser la mère de son propre foyer. Depuis le début de décembre 1833, date du départ pour Venise, jusqu’à la fin de juillet 1836, époque où elle gagne son procès contre son mari et recouvre sa liberté avec la possession de ses enfans, George Sand ne sort d’une crise que pour retomber dans une autre. À l’éclat de sa fuite succède celui de son retour. Puis ce sont les reprises de passion pour Musset, suivies d’accès de désespoir. En août-septembre 1834, George Sand est hantée par l’idée du suicide. Seule, la pensée de ses enfans l’en détourne. Cette même pensée ne l’a du reste pas quittée un seul instant, même aux heures les plus tragiques du drame de Venise. Les lacunes de la Correspondance[10]doivent être ici complétées par le Journal, par les lettres à Boucoiran, et les lettres inédites à Maurice. Du fond de la chambre d’auberge où elle improvise le Secrétaire intime en janvier-février, Leone Leoni en février, André en mars, Métella vers avril, Jacques en mai-juin, et les Lettres d’un voyageur un peu à tous les instans, en marge du reste, grâce à un labeur moyen de sept à huit heures par jour, qui atteint parfois treize heures d’affilée[11], la mère ne cesse de suivre ses deux enfans, demeurés l’un à Nohant, l’autre à Paris. Maurice, à Paris, est sous la surveillance de sa grand’mère et de Boucoiran ; à l’occasion, de Papet. Il écrit, elle lui répond qu’il ne pleure pas, qu’il soit sage avec sa grand’mère, etc. Écris-moi toujours de grandes lettres où tu me raconteras tout… Lave de temps en temps tes bonnes joues, entends-tu[12] ? » Elle est fière de son travail, de ses succès, et jure qu’en dépit de tout elle sera rentrée pour la distribution des prix. Quant à Solange, laissée à Nohant aux soins de sa gouvernante et de son père, George Sand prie en outre son frère Hippolyte Chatiron de veiller sur elle Engage Casimir M. Dudevant à garder Solange et à ne pas la mettre en pension avant mon retour 16 mars. » Et, Casimir ayant témoigné autant de complaisance comme père qu’il en avait montré comme mari, elle exprime sa satisfaction à Hippolyte Je suis enchantée que mon mari garde Solange à Nohant 6 avril. » Le 31 août, au plus fort de la crise, ses adieux solennels à Boucoiran sont traversés de ce soupir Solange est charmante, et je ne peux pas l’embrasser sans pleurer[13]. » Le 10 septembre, son adieu à Néraud revêt cette forme romanesque ou elle se tuera, ou elle enlèvera sa fille pour aller vivre avec elle en ermite à la Louisiane[14]. L’année 1835, qui vit au printemps les dernières convulsions du drame Sand-Musset, vit en automne les premières péripéties du procès Sand-Dudevant. La scène violente qui fournit la base judiciaire de la demande en séparation, se passa à Nohant, le 19 octobre. L’épouse outragée fut dès lors intransigeante. Inflexible quant au but à atteindre, d’ailleurs accommodante et même généreuse sur les conditions matérielles, elle ne pensait pas à elle seule, mais à ses enfans. À sa mère, qui redoutait l’esclandre, elle répond vertement Rien ne m’empêchera de faire ce que je dois et ce que je veux faire. Je suis la fille de mon père, je me moque des préjugés… Je me soucie peu de l’univers, je me soucie de Maurice et de Solange. » 25 octobre 1835. Et à Guéroult L’opinion publique est une prostituée qu’il faut mener à grands coups de pied quand on a raison. » 9 novembre 1835. Menacée d’être dépossédée de Nohant, son patrimoine, elle comptait bien cependant, avec sa terrible volonté, s’y établir avec sa fille, s’occuper de son éducation, et ne plus aller à Paris que de temps à autre pour voir sa mère ainsi que son fils. » À sa mère, 25 octobre. En attendant, elle doit fuir Nohant. Un instant, elle n’a plus de domicile Mon cher ami, — écrit-elle à Guéroult, — hier j’avais une terre, un château, un jardin, des serviteurs, des appartemens pour vous recevoir, une table pour vous réconforter. Aujourd’hui, je n’ai même plus un domicile, et j’ai trouvé un refuge chez Duteil à La Châtre, jusqu’à ce que le tribunal vénérable de céans ait décidé si je dois être injuriée et battue au nom de la morale publique et de la sainteté du mariage, ou si une espèce d’argousin que le sort m’a donné pour maître doit déguerpir du pays et me laisser libre[15]. » Mais enfin elle obtient gain de cause. Le 26 février 1836, elle peut écrire à Mme d’Agoult Grâce à Dieu, j’ai gagné mon procès, et j’ai mes deux enfans à moi. » Cependant elle craint des persécutions, du moins pour l’aîné, déjà en âge de comprendre et de souffrir. Elle affermit Maurice dans une lettre admirable Je crains que tu n’éprouves quelque chagrin à cause de moi…Écris-moi. Sois courageux et ne crains rien ; c’est à moi de souffrir à ta place ; si l’on te persécute, je saurai bien te défendre. Dis-moi tout. De près comme de loin mon amour veille sur toi ; tu es ce que j’ai de plus précieux au monde. On m’arracherait plutôt le cœur de la poitrine que mes enfans de mes bras. Je suis malade, je ne t’écris qu’un mot, j’ai besoin de tes lettres pour vivre… Nous ne faisons qu’un toi et moi ; quand tu payes la dette de mes amitiés, c’est comme si je la payais moi-même. Adieu, mon enfant ; mon seul bonheur, ma seule espérance, c’est toi. De ta conduite d’aujourd’hui dépend peut-être tout notre avenir. [M. Dudevant était alors à Paris et visitait son fils au lycée.] Si tu te montres ferme dès le commencement, on n’essayera plus de nous persécuter. Ne cède ni aux séductions, ni aux calomnies, ni aux menaces. Si on te maltraite, dis-le-moi tout de suite, je volerai près de toi[16]. Là-dessus, le mari faisait appel juin 1836. Nouvel obstacle, nouveau retard, d’ailleurs de peu de durée. Quelques concessions voient la fin des résistances. 30 juillet Chère maman, tout est terminé, et je suis enfin tranquille et libre pour toujours. » — 1er août, à Boucoiran Je suis à Nohant depuis hier avec ma fille. Je prendrai Maurice au commencement de septembre, et j’irai faire un petit voyage à Genève, puis à Lyon[17]. » Le voyage ainsi annoncé était celui qu’elle accomplit en effet, mais un peu plus tôt fin août pour rejoindre le couple romanesque qui rééditait à ses risques, sur le haut du Salève, l’aventure de Venise, Liszt et Mme d’Agoult[18]. L’ivresse de l’indépendance et les joies maternelles firent de ce voyage une jouissance profondément savourée. De retour à Nohant en octobre, George Sand écrivait aussitôt à Liszt Je n’ai plus d’autre passion que celle de la progéniture. C’est une passion comme les autres, accompagnée d’orages, de bourrasques, de chagrins et de déceptions. Mais elle a sur toutes les autres l’avantage de durer toujours, et de ne se rebuter de rien. » 16 oct. Ces bourrasques, » ces orages, » ne pouvaient point s’appliquer, dans sa pensée, à Maurice ; ils s’appliquaient évidemment, par prévision, à cette fille qui avait été elle-même bercée parmi les orages et les bourrasques de sa mère, et dont il était temps d’assurer l’éducation normale. Au reste, à la date de 1836, cette éducation, en dépit des traverses, a déjà commencé. Nous n’avons plus qu’à la suivre en feuilletant les lettres de la mère et de la fille. III Nous avons vu que George Sand désirait, en mars 1834, que son mari ne mît point Solange en pension. Elle-même l’y mit dès l’année suivante, probablement au printemps. Les premières maîtresses de Solange furent les demoiselles Martin, deux Anglaises qui dirigeaient une institution dans le quartier Beaujon[19]. Solange fut leur élève jusqu’au mois d’avril 1837. George Sand ne put guère voir sa fille, et pour cause, entre le printemps de 1835 et l’été de 1836. Elle ne la négligeait point pour cela, témoin cette lettre à Maurice George Sand à Maurice. Paris, 10 septembre 1835. … Tu me mandes que ta sœur est plus sage, mais qu’elle pleure pour un rien. C’est peut-être que tu lui fais trop sentir ton autorité. Je t’ai recommandé de la tenir un peu, mais non de la brutaliser et de lui faire de la peine. Tu sais qu’elle est très sensible aux paroles dures ; il faut la prendre par la douceur, et, quand tu ne peux en venir à bout, il faut appeler ton père, ou sa bonne. Elle leur cédera plus volontiers qu’à toi, parce qu’elle te regarde comme un enfant ; et, si tu voulais trop faire le maître, tu diminuerais peut-être l’amitié qu’elle a pour toi. Songe que tu as des devoirs très grands envers elle. Ce sont les premiers de ta vie, mais ils dureront toute ta vie. Tu lui dois ta protection et tes conseils, mais des conseils doux, tendres, et propres à la persuader. Ta plus grande affaire en ce monde est de te faire aimer d’elle. Elle est, tu le sais, d’un caractère un peu singulier, très bonne, très aimante, mais très fière et très peu disposée à se soumettre à la force. Ce caractère-là doit devenir très beau, si on le développe par la persuasion et la tendresse ; mais il peut devenir très rude et très malheureux, si on le blesse. Sois donc occupé à toute heure, depuis ton lever jusqu’à ton coucher, du soin de te faire écouter et croire. Ne lui dis que des choses vraies ; aie pour elle toutes les complaisances possibles. Fais un effort sur toi-même, pour sacrifier ton plaisir au sien, afin que quand tu lui refuseras quelque chose, elle soit bien sûre que c’est dans son avantage et non selon ton égoïsme que tu agis. C’est ainsi que tu te feras aimer et craindre en même temps, et qu’elle t’obéira sans pleurer. Surtout ne la quitte pas, ne la laisse jamais courir sans toi avec les enfans du village ; et, si tu voyais quelque domestique la maltraiter, prends sa défense, car les domestiques ne savent pas toujours gronder à propos. Que l’autorité de Françoise sur elle se borne à la tenir propre, et à l’empêcher de s’éloigner de la maison. Adieu, mon petit… Je t’embrasse mille fois, mon cher mignon. Porte-toi bien, ne mange pas trop, et aime-moi autant que je t’aime, si tu peux. à Solange. — Ma mignonne chérie, j’ai bien lu ta lettre. J’espère que tu m’écriras aussi souvent que ton frère, puisque tu sais écrire de manière à te faire comprendre. Je t’enverrai tout ce que tu m’as demandé ; je te prie d’être bien sage, d’écouter ton petit frère, et d’être sûre qu’il t’aime autant que je t’aime, et que quand il te défend une chose, c’est pour ton bien. Je serai bientôt près de vous, et nous ferons les vendanges ensemble. Adieu, mon gros pigeon, je t’embrasse un million de fois[20]. Plusieurs petites lettres de Solange, de cette année 1835, qu’elle a écrites visiblement seule, prouvent qu’en effet elle sait écrire de manière à se faire comprendre. » Les réponses de sa mère sont perdues[21]. En voici une, datée du 10 mars 1836, jeudi George Sand était à La Châtre entre le premier procès jugé, et l’appel Solange à sa mère[22]. Bonjour, ma chère maman, je voudrais bien savoir si tu es encore malade, parce que cela me fâche beaucoup. Tu me dis que ma lettre est très gentille ; mais la tienne est beaucoup plus jolie si tu n’es plus malade, tu peux venir à Paris, pour que je te donne tes étrennes, parce qu’elles sont bien jolies. Tu es bien mignonne de baiser ma robe et mes souliers bleus, et de m’avoir arrangé mon lit parce qu’il était trop petit… Adieu, mère chérie, je te rends encore tes [baisers] mil 502 cents mil fois. Ta fille chérie, Solange Dudevant. Solange voyait son frère à Paris le dimanche, aux jours de sortie d’Henri IV. Elle voyait également son père, pendant et après le procès. La décision de juillet 1836, qui confiait l’éducation des deux enfans à la mère, n’excluait nullement les visites du père. George Sand n’avait fait le procès qu’au mari. Elle respecta toujours le père, et s’abstint de tout ce qui pouvait le diminuer aux yeux de son fils et de sa fille. M. Dudevant continua donc ses rapports avec Maurice et Solange ; il put toujours, à toute époque de sa vie, donner cours à ses sentimens envers ses enfans. Aussi ceux-ci parlent-ils librement de leur père à leur mère, et la mère leur répond-elle avec la même liberté Bonjour, ma chère maman, comment te portes-tu ? Tu m’as demandé si mon papa avait changé de logement ; oui. » De Solange, 30 janvier 1836. Solange à sa mère, 20 mai 4836. Au haut de la lettre, une pensée attachée d’un fil blanc et les mots Pensez à moi. » Au bas, petit dessin qui prétend représenter une éclipse. ] Bonjour, ma chère maman, comment te portes-tu ? Je me porte très bien. Je suis très contente que tu sois en bonne santé, parce que je ne veux pas que tu sois malade. Je te raconterai les choses que je sais. Je serai très sage. J’ai vu l’éclipse, que tu verras à la fin de ma lettre comme je l’ai vue ; je te demande si je peux ôter ma flanelle, parce que c’est l’été. Mme de Rochemur aurait bien voulu me faire sortir le 17 mai, mais miss Martin n’a pas voulu[23]et Mme de Rochemur m’a dit de te dire bien des choses de sa part… J’ai joué au concert et ma maîtresse de piano a été très contente de moi… Je t’aime plus que mon âme ; je serai très bonne. J’ai autant de plaisir à te voir que tu en as pour me voir. Moi je t’embrasse mille cents mille cinquante, etc. [c’est la formule de Solange]. Solange Dudevant. George Sand à Solange réponse. Ma chère mignonne, vous êtes un petit ange. Vous m’avez écrit une lettre charmante. Pourriez-vous me donner votre parole d’honneur d’avoir mis l’orthographe vous-même ? Si cela était, je serais bien, bien, bien contente de toi. Je vois aussi que tu as très bien regardé l’éclipse, et que tu en as fait le portrait fidèlement. Enfin tu as bien joué au concert. Tout cela me fait le plus grand plaisir, et j’espère que ta plus grande récompense c’est de donner du bonheur à ta vieille mère qui pense à toi toute la journée et qui rêve à toi toute la nuit. Je vais écrire à Maurice combien tu es sage et laborieuse. Cela lui donnera presque autant de joie qu’à moi, car après moi il n’y a personne qui t’aime plus que l’on frère. Adieu, fille chérie, je te verrai bientôt, j’espère. Embrasse pour moi ces dames [Mlle Martin], qui ont si bien soin de toi et qui te font faire tant de progrès. I should be very glad if you would write me a few words in English, Good night, little dear. I love you. Ta mignonne. Ces dames ôteront ta flanelle, quand elles jugeront à propos. Il fait encore un peu froid ici[24]. George Sand à Solange. Billet non daté début de juillet 1836. Ma chère poule, je t’aime de toute mon âme. Je suis bien contente quand tu m’écris. Ce sont des jours de bonheur pour moi. Ainsi, écris-moi souvent. Ton frère me donne souvent de tes nouvelles. Il t’aime bien aussi, lui. Si tu ne nous aimais pas tous les deux, tu serais une petite ingrate. Te portes-tu bien, mon cher ange, et es-tu toujours sage ? Nous nous verrons bientôt. Adieu, chérie, je t’embrasse mille fois. — Ta vieille[25]. Sur ces entrefaites, la conclusion définitive du procès jette les enfans dans les bras de la mère. Celle-ci les emporte jalousement dans sa retraite favorite Je suis maintenant avec mes enfans dans la chère Vallée Noire. » 18 août 1836. Là, détente complète. George Sand est bête comme une oie, » dort, bricole, arrange des devans de cheminée, fume son narghilé, » conte des contes à Solange, bref, savoure un instant le calme avec la sécurité[26]. Vint ensuite le voyage de Genève. La rentrée s’effectua au début d’octobre à Nohant, et, sans doute, peu après à Henri IV et au quartier Beaujon. Ces rayonnantes vacances rendirent-elles l’internat plus pénible à Solange, après toutes les gâteries dont elle fut comblée par sa mère et par Mme d’Agoult ? Il est fort probable. Dès le début de l’année 1837, George Sand est obligée d’entrecouper ses encouragemens de mercuriales. George Sand à Solange. Non datée début de 1837. Ma chère enfant, j’espère que tu as réfléchi à tes torts, et que tu es décidée à te mieux conduire avec moi et avec ton frère à l’avenir. Tu as un bon cœur, mais beaucoup trop de violence dans le caractère. Tu as de l’intelligence, et tu deviens grande. Il est temps de travailler toi-même à te corriger. Je sais que Mesdames Martin ne sont pas très contentes de toi[27]. Je t’avertis que tu ne sortiras le samedi qu’autant que ces dames me rendront bon compte de ta conduite de la semaine. Je ne peux plus te traiter en enfant, ma chère fille. Ce serait un mauvais service à te rendre. Fais un effort sur toi-même, sois bonne, sois laborieuse, et, quand tu seras contente de toi, quand tu auras donné de la joie à ceux qui t’aiment, tu seras heureuse et le bon Dieu te bénira. Tu m’as dit avant-hier que tu le priais tous les jours de bien bon cœur. Prie-le de t’aider à vaincre tes défauts, et pense souvent à lui. Pense bien aussi que quand je te punis je souffre plus que toi, et que c’est bien mal de faire souffrir sa mère. Adieu, j’irai te voir dans la semaine. Réponds-moi deux mois et promets-moi de réparer tes torts. Tu le veux, n’est-ce pas ? Solange promit, et essaya de tenir. Sur ces entrefaites, Maurice tomba malade. La croissance et l’internat l’avaient également éprouvé, et, peut-être plus encore, certaines conversations avec son père. Celui-ci, peu délicat, avait parlé à Maurice de ses démêlés avec sa mère en termes qui l’avaient touché au point le plus sensible. George Sand accourut reprendre Maurice au lycée, et reprocha justement à son mari ce manque de tact. Dès lors, sa sollicitude pour Maurice s’accrut. L’instinct de Solange ne fut point sans l’en avertir. Une obscure jalousie se devine souvent dans ses petites lettres à son frère, d’ailleurs très affectueuses. Mais quoi ! n’était-il pas à Nohant, c’est-à-dire au paradis, tandis qu’elle languissait en pension ? George Sand à Solange. Chère mignonne, j’ai reçu ta lettre et je te remercie d’avoir pensé à remplir ta promesse. Tu me dis que tu es bien contente de sortir chez Caron[28]. Ton papa est donc dans son nouveau logement ? Es-tu bien gentille avec lui, et bien sage à ta pension ? Travailles-tu ? Ton frère a très bien fait son voyage. Il se porte beaucoup mieux. Il couche dans ma chambre et ne me quitte pas. Je l’empêche d’être gourmand et de se coucher tard. Avec cela, j’espère qu’il guérira bien vite. Nous attendons le précepteur qui lui donnera des leçons [M. Bourgoin]. Tous nos filleuls et filleules se portent bien. Tes joujoux sont bien rangés et bien serrés dans la chambre de ton frère. Nous demeurons dans la chambre du haut où demeurait autrefois Léontine [la fille d’Hipp. Chatiron]. Nous y sommes mieux qu’en bas. Tu y auras ton lit quand tu viendras avec nous. Adieu, chérie, nous ne serons tout à faits contens, ton frère et moi, que quand nous aurons notre grosse entre nous deux à table, en voiture et au jardin… On nous a demandé de tes nouvelles à Bourges. Ton frère va te parler de tes amis. Je le laisse continuer la lettre et je t’embrasse un million de fois. Écris-nous souvent. Ta mignonne. À la même. Février 1837. Ta lettre est gentille et mignonne comme toi, ma chère poule. Tu es bien aimable de nous écrire toi-même. C’est comme cela que j’aime tes lettres. Continue à nous écrire souvent et à nous dire tout ce qui te passe par la tête. Tu as donc eu la grippe, ma pauvre grosse ? Tu me dis que ce n’est rien il paraît que tu ne l’as pas eue bien fort. Malgré cela, si je l’avais su, j’aurais été bien inquiète. Penses-tu à nous, ma chérie ? Nous parlons de toi tous les jours, ton frère et moi ; à propos de tout nous nommons notre Solange et nous finissons toujours par dire Quand sera-t-elle là ? Quand ne la quitterons-nous plus ? Dépêche-toi de travailler, afin que nous puissions nous réunir pour toujours. Ton frère ne va pas mal, mais il n’est pas bien fort. Il ne sort que depuis deux jours, et encore c’est avec bien des précautions… J’ai tellement peur qu’il ne retombe malade, que je ne le quitte pas, et que je n’ai pas encore mis les pieds hors de la maison depuis que je suis revenue ici. Tout le monde est venu me voir et me demander de tes nouvelles. Mme d’Agoult est ici. Elle t’aime beaucoup, et parle aussi de toi fort souvent. Elle me charge de t’embrasser bien fort. Ta pauvre Lucette [paysanne, camarade de Solange] commence à aller mieux ; elle a eu la fièvre tout l’hiver. Son père est mort, elle a eu bien du chagrin, la pauvre petite. Je l’ai fait venir à la maison, et Maurice joue avec elle aux heures de sa récréation, car il prend deux grandes leçons par jour, une depuis neuf heures jusqu’à midi, la seconde depuis deux heures à cinq heures. Le soir il dessine, et je lui fais la lecture. Ce soir il s’est mis à écrire un roman qui nous a fait mourir de rire. Il y a dedans un homme qui ne fait qu’ouvrir et fermer la porte. Il te le lira quand tu seras ici, s’il ne le jette pas au feu un de ces jours. Son filleul Maurice est tout gros et tout rond. Il nous cueille des violettes toute la journée. La grue est dans le jardin avec lui ; elle est deux fois plus grande. Je laisse ton frère continuer. Bonsoir, ma bonne grosse. Travaille bien, je t’en prie ; pense à ta vieille. À toute heure du jour et de la nuit tu peux être sûre que je m’imagine être près de toi, soit en rêve soit en pensée… Je t’embrasse mille fois, mon cher baron[29]. Porte-toi bien et écris-nous. Ta mignonne qui t’aime. Deux mois après, George Sand retirait Solange de l’institution Martin. Les progrès lui paraissaient-ils un peu lents, la direction pas assez ferme ? Il est fort probable. Les lettres de Mlle Martin ne dénotent point les qualités qu’accuseront plus tard celles de Mme Bascans. George Sand avait d’ailleurs trouvé, auprès d’elle, une gouvernante selon son cœur dans la personne de Marie-Louise Rollinat[30], la sœur de ce François Rollinat auquel elle était si profondément attachée. Voilà Solange rendue à la vie de Nohant et George Sand entourée de ses enfans et de leurs maîtres. Plusieurs mois se passent dans le calme. Puis, coup sur coup, George Sand perd sa mère, et M. Dudevant profite d’une absence de sa femme pour enlever de vive force sa fille, malgré la résistance de Mlle Rollinat. George Sand court après lui, à Guillery, et met la maréchaussée à ses trousses. Les détails de cette reprise, opérée par la force armée, se trouvent dans la correspondance imprimée lettre à Duteil du 30 septembre 1837. George Sand trouva sa fille sans peur, excitée par le sentiment du danger, presque fougueuse. Nature d’aigle ! » s’écrie-t-elle. Dans une autre circonstance elle avait déjà noté cette bravoure innée. La lettre imprimée de la mère doit être complétée par ce barbouillage d’enfant, griffonné en chaise de poste, document véridique à l’orthographe près de cette mémorable aventure. Solange à son frère Mon cher petit mignon, ne pleure pas, je suis retrouvée. Ne te désole pas. Pour me rendre à maman il y avait trois gendarmes bien mignons, un petit pas vieux, Mallefille, le sous-préfet, l’huissier, et [un] bien, bien, bien vieux officier de gendarmerie. T’avais dit, à Mallefille de nous ramener toutes deux ; il te tient promesse, car il nous amène toutes deux. Mon père était en colère quand il a vu les gendarmes. J’ai été aux Pyrénées. J’ai vu la brèche de Roland. J’ai été à cheval au galop. J’arrive en grande poste avec trois chevaux pour te voir et te biger à mon aise, n’est-ce pas, mon gros mignon ? À Lourdes, [les] maisons et les ponts sont bâtis en marbre. J’ai [vu] le Marboré et des cascades de 12 et de 6 pieds. Adieu, mon mignon, porte-toi bien. Après cette alerte, George Sand n’eut pas le courage de se séparer tout de suite de sa fille. Solange et Maurice vont vivre ainsi trois ans côte à côte, tantôt à Nohant, tantôt à Paris, partageant la vie de leur mère, en familiarité avec ses amis. Ils voient Sainte-Beuve, Calamatta, Delacroix, Charpentier, et bientôt après Chopin. Calamatta, qui a dessiné et gravé le portrait de George Sand, veut aussi faire celui de Solange mai 1837. Charpentier, qui expose au Salon de 1839, le très beau portrait[31]dont s’est inspiré M. Sicard pour la charmante statue du Luxembourg, donne à ce portrait deux pendans, et peint aussi Maurice et Solange[32]. De Sainte-Beuve et de Delacroix, Solange avait conservé deux souvenirs, l’un désagréable, l’autre pittoresque. Un jour elle entre avec sa mère chez Sainte-Beuve. Celui-ci la regarde curieusement. L’enfant rit ; elle avait une grande bouche, et perdait ses dents. Vous ferez bien d’être bonne, dit Sainte-Beuve, car vous ne serez jamais belle. » Le mot ne lui fut pas vite pardonné. Quant à Delacroix, il peignait alors le portrait de George Sand aux cheveux flottans, qui appartient à Mme Buloz. Un jour que la fillette accompagnait sa mère, il considéra attentivement sa physionomie. Mais elle serait très bien, dit-il, s’il ne lui manquait… » et son doigt indiquait l’arcade sourcilière Il faut une ombre, là ! » Il saisit un pinceau chargé de brun, et, en deux traits, improvisa deux magnifiques sourcils. Depuis, disait plaisamment Solange à soixante-dix ans, par respect pour Delacroix, j’en ai toujours porté. » Chopin, qui semble avoir été présenté à George Sand dès 1837, fut rencontré par elle dans l’espèce de salon littéraire que Mme d’Agoult tenait alors à l’Hôtel de France, à son retour du Léman. Les relations s’établirent très vite, au courant de l’hiver 1837-1838. Nous en verrons ailleurs la suite. Solange ne semble pas avoir vu d’abord d’un bon œil ce nouveau venu, qui, malgré sa timidité et sa douceur, tenait déjà chez sa mère une place envahissante. L’artiste était alors l’idole des salons. Son succès foudroyant était capable de briser une organisation moins frêle que la sienne. George Sand le vit plier sous la gloire, comme d’autres sous le malheur. Son fils n’était pas non plus très vaillant. Il souffrait d’un commencement d’hypertrophie du cœur. Elle prit une grande résolution[33] emmener les deux malades, et la florissante Solange par-dessus le marché, dans quelque contrée méridionale et romantique. De là le fameux voyage de Majorque ; voyage qui faillit mal tourner pour Chopin, mais qui réussit à Maurice, et qui valut, aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes, les admirables pages sur la chartreuse de Valdemosa. Quant aux admirateurs de Chopin, ils durent à la détresse physique de l’artiste les beautés navrantes de ses Préludes, conçus au milieu de véritables hallucinations. Cette grande nature sauvage écrasait le débile artiste, qui d’ailleurs, à cette date, n’en aurait pas moins craché le sang sous le ciel le plus riant. Glacée de terreur, George Sand lui prodiguait ses soins. Elle le ramena, au début de 1839, dès qu’il lui fut loisible. Chopin se rétablit lentement, et péniblement, mais il traîna toujours. Les soins exceptionnels dont George Sand l’entoura depuis cette époque jusqu’au printemps de 1847 prolongèrent sûrement sa vie au-delà de ce qu’on pouvait espérer après une telle crise[34]. Cependant Solange grandissait. Sa santé continuait à être splendide. Un jour d’août 1840 elle n’avait pas tout à fait douze ans, elle se promenait aux Champs-Elysées avec Chopin et Mme de Bonnechose. Devant une bascule, il prit fantaisie aux promeneurs de se peser Solange pesait 84 livres, et le pauvre Chopin 97 ! Elle prospérait donc, mais ne travaillait guère. Je crois bien, écrit sa mère à Maurice, que je serai forcée de la mettre en pension si elle ne veut pas travailler. Elle me ruine en maîtres qui ne servent à rien[35]. » Mlle Rollinat n’est plus auprès de Solange. Une Genevoise, Mlle Suez, lui a succédé[36]. Cette personne avait été recommandée à George Sand par Mlle de Rozières celle-ci, ancienne élève de Chopin, était la maîtresse de piano de Solange. Un ami, essaya de détourner George Sand de ce nouveau projet. Elle réfuta ses objections J’ai changé d’avis depuis hier, mon ami, et je suis bien décidée, quoi que vous m’ayez dit, à ne plus garder Mlle Suez. Je mettrai donc Solange en pension. Ce n’est pas que j’aie grand goût, — par souvenir sans doute, — pour ces éducations en commun où l’instruction est dispensée, parfois sans grande intelligence, à une quantité d’enfans qui la reçoivent et s’en pénètrent comme elles peuvent… Mais, en y songeant bien, c’est le seul parti raisonnable. Solange ne fait rien chez moi, et son institutrice a épuisé ses peines à la vouloir diriger comme je l’entendais. Quant à penser à lui donner moi-même des leçons, ainsi que je l’avais d’abord entrepris, c’est le dernier moyen que je veuille employer aujourd’hui. Je m’userais, moi aussi, à vouloir obtenir d’elle moins de légèreté et plus d’attention. Il n’est point d’ailleurs, selon moi, de pire institutrice qu’une mère ; nous n’avons en nous, tant nous sommes désireuses de voir progresser nos enfans, ni le calme ni le sang-froid nécessaires pour savoir modérer nos préceptes, graduer nos leçons, et surtout contenir nos impatiences. L’esprit de Solange est, d’ailleurs, devenu trop indépendant pour que je puisse espérer reprendre sur lui une domination que je n’avais jamais complètement exercée. … Soyez bien persuadé cependant qu’en confiant son éducation à des étrangers, et hors de chez moi, je surveillerai le programme de son propre travail. Je ne veux pas qu’on la fatigue, ni qu’on remplisse de trop de choses son esprit si impressionnable ; je ne veux pas non plus qu’on la pousse trop en dehors des voies de la philosophie et de la religion naturelle, et j’entends qu’elle reçoive une éducation religieuse qui ne soit ni routinière, ni absurde. L’image de Dieu a été entourée par le culte de tant de subterfuges et d’inventions étranges que je désire qu’autant que possible sa pensée n’en soit pas imprégnée. Je tolérerai qu’elle suive, mais seulement jusqu’à sa première communion, les exercices de piété en usage dans la maison. Le mysticisme dont la religion, ainsi qu’on nous la présente, a enveloppé la figure sublime du Christ, dénature tout à fait les causes premières de la grande mission qu’il avait à remplir sur la terre, mission qu’on a travestie pour la faire servir à des intérêts et à des passions de toutes sortes. L’étude philosophique et vraie de sa vie a démontré, au contraire, le néant de la plupart des traditions qui sont venues jusqu’à nous sous son nom, et je ne veux pas pour Solange d’un enseignement de ce genre trop prolongé, et dans lequel elle pourrait puiser, et conserver dans un âge plus avancé, des principes d’exclusivisme et d’intolérance dont je crois qu’il est de mon devoir de la garantir[37]. C’était là tout un programme. Mais où trouver une personne capable, sinon de l’appliquer à la lettre, du moins d’en respecter l’esprit ? George Sand chercha, et, après un bref tâtonnement, trouva. Solange ne fit donc que traverser l’institution de Mme Héreau, située au boulevard extérieur Monceau, n° 46, entre la fin de 1840 et le début de 1841. Nous avons un bulletin du mois de janvier 1841. Dès le printemps de 1841, elle était pensionnaire de l’institution Bascans-Lagut, rue de Chaillot, 70, où elle passa trois années pleines. Ces trois années font époque dans l’histoire de sa formation intellectuelle et morale. C’est là seulement que Solange connut un peu la vertu de l’effort, et qu’elle se disciplina, » au moins pour un temps, et dans la mesure où son invincible nature était capable de discipline. IV La figure de Mme Bascans mériterait de nous arrêter un instant, si elle n’avait été étudiée dans le livre de piété quasi filiale auquel nous avons emprunté la lettre qui précède. Rien de ce qui s’y trouve dit à l’avantage de Mme Bascans et de son mari n’est exagéré. Tête, cœur et volonté, tout était éminent chez cette femme, qui accepta de George Sand des réflexions » épistolaires, mais non pas des conseils, et qui sut parfois lui faire entendre un avis indépendant[38]. Elle eut vite vu clair dans le caractère de Solange d’ailleurs admirablement signalé par sa mère dans mainte lettre aux époux Bascans, et elle sut si bien la prendre qu’elle s’attira la docilité d’abord, puis l’affection et l’éternelle reconnaissance de son élève. Son mari, qui professait chez elle l’histoire, la morale et la littérature, était un ancien journaliste de l’opposition, esprit énergique et rude, conscience fière, libéral impénitent. Solange ne suivait pas seulement les cours qu’il faisait à toute la classe. Elle prenait avec lui des leçons particulières ; George Sand avait voulu pour elle la combinaison des deux cultures, et ses raisons étaient excellentes L’éducation générale m’a paru nécessaire à ma fille, dont l’humeur sauvage et fière eût pris des habitudes excentriques. L’effet de cette éducation sur elle est donc bon sous le côté moral, mais nul, ou peu s’en faut, sous le rapport intellectuel [à cause de la paresse de Solange] ; et, comme il est bien urgent de développer simultanément les deux puissances, Solange ne peut pas se passer de bonnes leçons particulières, les plus longues et les plus fréquentes possible… Je vous demande peut-être beaucoup, mais je suis sûre pourtant que vous m’aiderez à cultiver cette terre forte un peu fortement[39]. Solange, dans ces tête-à-tête où sa nonchalance recevait les plus rudes assauts, approfondissait certaines périodes de l’histoire, apprenait du latin, lisait l’Enéide en traduction, écoutait M. Bascans lire et commenter la Divine Comédie, voire s’entretenait avec lui du Christ en lisant les Évangiles Mon cher monsieur Bascans, nous voici dans la semaine sainte… Solange est bien plus sceptique que je ne le voudrais. Je crois donc que la vue de toutes ces cérémonies… est d’un mauvais effet sur elle. Je craindrais que cette vue ne détruisît à jamais en elle le germe d’enthousiasme que j’ai tâché d’y mettre pour la mission et la parole de Jésus, si singulièrement expliquées dans les églises. Je vous prie donc de la tenir à la maison pendant toutes ces dévotions… Cependant, s’il entrait dans vos vues, comme je vous l’avais demandé l’année dernière, de lui expliquer la philosophie du Christ, de l’attendrir à ce beau poème de la vie et de la mort de l’homme divin, de lui présenter l’Évangile comme la doctrine de l’égalité, enfin de commenter avec elle ces Évangiles si scandaleusement altérés dans la traduction catholique, et si admirablement réhabilités dans le Livre de l’humanité de Pierre Leroux, ce serait là pour elle la véritable instruction religieuse dont je désirerais qu’elle profitât durant la semaine sainte, et tous les jours de sa vie. Mais cette instruction ne peut lui venir que de vous, non des comédiens sacrés, » sanctos sanniones, comme disaient les Hussites[40]… Prise ainsi par le cœur et par l’esprit, Solange, nature non pas profonde mais ardente et même enthousiaste, ne pouvait que s’attacher à de tels maîtres. Elle fit de Mme Bascans la marraine de sa petite Jeanne ; à la mort de M. Bascans elle écrivit à sa veuve, sur son mari, une très noble lettre[41], où elle fait un mea culpa rétrospectif. Tout cela est fort à son honneur. Écoutons maintenant le dialogue de la mère et de la fille. Solange à sa mère 1841. Maman, je te demande pardon d’avoir été si entêtée lundi. Je t’assure que cela ne m’arrivera plus. Je m’en repens beaucoup parce que cela t’a fait de la peine. Je te promets de changer mon caractère indocile. Je vais m’appliquer à faire tous mes devoirs pour M. Bascans. J’ai eu ce matin à mes leçons un parfait et un très bien… Adieu, ma bonne mère. J’espère en ton pardon, et je t’embrasse comme je t’aime. — Solange Sand [Elle ne signe plus Solange Dudevant.] À la même. 20 juillet 1841, mardi. Ma Ninonne, ne t’inquiète plus de ma sagesse, car je tiens mes promesses. Tu es bien mignonne de m’avoir envoyé des fleurs[42] ; quand je serai à Nohant je t’en ferai aussi. En attendant, je t’en envoie de sèches [des pensées jaunies sont encore dans l’enveloppe]… Je suis sage, je le serai toujours, ma chère mère. Moi qui étais si paresseuse à la maison que j’en ai honte, maintenant je suis devenue pas précisément studieuse, parce que le travail ne m’amuse pas encore ; mais je le suis beaucoup moins, et même je travaille bien… D’ailleurs, ce serait bien mal à moi d’être paresseuse, car je n’irais pas te voir à Nohant. Et, comme je t’aime autant que tu m’aimes, je désire autant que possible d’aller avec toi… Toutes les lettres de Solange ne sont pas des actes de contrition. Mais il y en a plusieurs, ce qui est beaucoup pour elle. La note qui revient, en revanche, avec une persistance presque attendrissante, c’est la tristesse de la séparation, l’ennui amer, l’obsédante pensée des êtres qui lui sont chers et qui sont loin d’elle sa mère d’abord, — elle avant tout, elle toujours ! — puis son Didion Maurice, puis sa camarade paysanne, la Luce, puis les animaux familiers, son chien Pistolet, les petits chiens, et enfin les hôtes de Nohant, Chopin, etc. D’autres fois, elle bavarde, se grise de grosses bêtises comme on en inventait beaucoup à Nohant, où la gaieté ne chôma jamais. George Sand à Solange billet, 1841. Tu es une grosse farceuse, une grosse blagueuse, une grosse baveuse, avec tes contes. Je sais que tu es sage et mignonne, et je vas te biger et te bien manger. Adieu. Je t’écris sur une jambe, après le concert de Pauline Mme Viardot, où elle a eu un grand succès et un déluge de bouquets. Nous nous habillons et nous courons dîner en ville. Adieu, mine, grosse mine, grosse chérie. À la même 1841. Tu m’écris une petite lettre passablement bête[43]. Je ne crois pas à ce grand ennui qui t’accable, et dont tu ne penses pas un mot. C’est un genre de pensionnaire, que je connais. À mon couvent, on disait de même ; et, quand je sortais, je m’ennuyais encore plus de ne rien faire. D’ailleurs, comme on peut toujours échapper à l’ennui en travaillant, je te conseille de te désennuyer toi-même. Pour moi, cela ne m’attendrit pas ; et, comme les personnes ennuyées sont toujours ennuyeuses, quand tu voudras que j’aille te voir, tu feras bien de ne pas user de ce moyen-là. … Je ne peux pas te donner un trousseau assez considérable pour satisfaire tes goûts d’élégance[44]. Tu auras la bonté de te contenter de changer comme les autres deux fois par semaine. Quand tu auras perdu ta coquetterie, je te laisserai faire comme tu voudras. Mais maintenant tu en abuserais, et tu deviendrais dix fois plus absurde que tu n’es, en fait de toilette, ce qui ne serait pas peu dire. Là-dessus, j’ai bien l’honneur de te saluer. Si tu ne sors pas dimanche, j’irai te voir ; mais j’espère bien que tu ne te mettras pas dans ce cas-là, et que j’aurai le plaisir de t’embrasser à la maison. Bonjour, ma grosse. Tâche de ne pas te casser la mâchoire à force de bâiller, de ne pas perdre l’appétit et le sommeil à force de t’ennuyer. Jusqu’à présent ta figure ne me donne pas beaucoup d’inquiétude. Ton frère t’embrasse, et Pistolet te donne la patte. À la même. 13 août 1841. Ma grosse chérie, ton frère part d’ici le 17 pour t’aller chercher. Il ira te voir le 19. Vous conviendrez de vos faits, vous ferez vos préparatifs de voyage, et tu partiras de Paris le 21 [au] soir. Vos places sont retenues dans le coupé, ainsi que te l’a dit Mlle de Rozières. Tu aurais su tout cela quelques jours plus tôt, si on avait pu compter sur du calme et de la raison de ta part. Mais, craignant que la joie ne te fît négliger tes devoirs, j’ai désiré que tu fusses informée de cette bonne nouvelle au dernier moment. J’espère que tu ne gâteras pas ma joie, à moi, par de mauvaises notes sur la fin de ton travail, et que l’année prochaine tu ne seras plus assez enfant pour qu’on soit obligé à ces petits mystères. Maintenant j’espère que tu es contente, et que tu viens avec la résolution de modifier ton caractère avec nous. Nous te chérissons, ton frère et moi. Mais nous ne nous faisons pas illusion sur certains défauts que tu as à corriger et que tu vas certainement t’appliquer à détruire en toi-même l’amour de ta personne, le besoin de dominer les autres, la jalousie folle et niaise. Il faut que nous n’ayons plus à souffrir de tout cela, et que cette fois nous ne disions plus une seule fois Quand retournes-tu à la pension ? » Il faut que ton séjour dans la famille soit un bonheur complet pour nous comme pour toi, et qu’à l’époque où tu seras forcée de retourner chez Mme Bascans, nous ayons du regret de nous séparer de toi. Je t’ai dit bien souvent que j’avais pour toi un amour que rien ne pourrait détruire quand même tu ne le mériterais pas, parce que cet amour est dans la nature. Mais tu ne dois pas prétendre seulement à cet amour d’instinct que les fauvettes ont pour leurs petits. Nous ne sommes pas des oiseaux, et nous devons ennoblir les affections du sang par l’estime réciproque. Il ne suffit pas que je te consacre mes soins et mes efforts. Il faut que je puisse t’aimer comme ma meilleure amie, et jusqu’ici je ne t’ai aimée que comme ma fille. Il est vrai que tu n’étais qu’une enfant. Mais tu as un peu prolongé, par ta volonté ou ta négligence, cet état d’enfance qui commence à devenir ridicule à mesure que tu grandis, et qui deviendrait intolérable si tu n’en sortais pas, à l’âge où cette révolution doit s’accomplir chez tous les êtres intelligens. Le temps est venu. Il me semble, d’après tes lettres, que ta raison et ton instruction ont fait beaucoup de progrès depuis que tu es chez Mme Bascans. Mais je vois encore des puérilités que je m’attache dans mes réponses à te faire sentir, afin que tu les abjures sans retour. J’espère qu’ici tu y travailleras sérieusement, et que, si tu te reposes un peu de tes études, tu entreprendras du moins d’améliorer ton moral, ce qui est une tâche difficile, mais absolument nécessaire. Tu ne dois pas rougir, mais te féliciter au contraire de l’entreprendre. Il n’y a que les cœurs étroits et les esprits vulgaires qui reculent devant ce devoir glorieux et saint. Bonsoir, ma chère fille. Réfléchis bien à cette dernière lettre, et qu’elle se mêle un peu dans tes pensées à l’idée si douce de revoir Nohant et tous ceux qui t’aiment. Je ne t’écrirai plus, et je t’embrasserai bientôt. Mais songe qu’il y aura un nuage sur mon bonheur si Mme Bascans m’écrit que tu as manqué de courage et de soumission dans les derniers jours. Tu ne trouveras plus Pauline [Viardot] ici. Elle part le 16, mais elle reviendra cet automne. Je l’espère beaucoup. Tous ceux qui l’ont vue ici un instant l’ont adorée tout de suite, non seulement pour son talent et son intelligence, mais surtout pour sa bonté, sa simplicité et son dévouement aux autres. Si tu lui ressemblais un jour, je serais la plus heureuse des mères. — Bonsoir. Chopin t’embrasse et t’attend pour te gâter. Mais je ne le laisserai plus faire. Adieu pour la dernière fois. Maintenant ce sera bonjour. George Sand à sa fille. 18 juillet 1842. Ma chère grosse, je te félicite des bonnes résolutions que tu as prises et je t’en remercie ; car le bien que tu te fais à toi-même me fait du bien aussi, par l’amour que je te porte et le besoin que j’ai de ton bonheur. Tu comprends toi-même que tu agis contre tes intérêts en te révoltant. Quand ton cœur et ta raison seront plus développés, tu comprendras que tu as des devoirs envers les autres, aussi bien qu’envers toi-même. Et enfin quand tu seras tout à fait sage et tout à fait bonne, tu comprendras ce que tu dois à Dieu. Certainement, si tu continues à être sage, tu viendras à Nohant le plus tôt possible, et le travail que tu y feras ne sera qu’un délassement. Voici comment nous passons nos journées, ton frère et moi, depuis quinze jours qu’il pleut à ne pas mettre le pied dehors. Nous déjeunons à dix heures, et du déjeuner jusqu’au dîner nous dessinons dans mon cabinet. Ton frère fait de très jolies aquarelles, avec une suite et une constance que je voudrais bien te voir mettre à quelque chose, fût-ce à faire du filet. Pendant qu’il dessine, je peins des fleurs et des papillons. Je t’ai fait un panier de fleurs que tu trouveras encadré dans ta chambre. Le soir, nous nous remettons à l’ouvrage à 8 ou 9 heures, lui à copier des gravures, et moi je lui fais de la lecture. Nous avons lu ces jours derniers Louis XIV et Louis XV dans Lavallée, et nous allons commencer la Révolution. Nous verrons si, quand nous serons trois, il n’y aura pas quelqu’un qui dira Maurice, voyons, finis, donne-moi la table. Je veux la chaise. Il me faut la lampe. Tout cela c’est pour moi toute seule, etc. Tu pourrais faire des fleurs aussi bien et mieux que moi. J’espère d’ailleurs qu’il fera un peu plus beau temps et que nous pourrons nous promener… Bonsoir, ma grosse Nine. Ton frère t’embrasse mille fois, et moi dix mille. Écris-nous toujours et aime-nous bien ; c’est-à-dire travaille et conduis-toi de manière à venir nous rejoindre bientôt. À la même. 19 juillet 1842. Ma grosse fille, il faut avoir plus de courage que tu n’en as, et ne pas tant te plaindre. Je suis fort touchée de toutes les choses tendres et aimables que tu me dis ; mais je vois bien que tu exagères un peu ta maladie, tes larmes et ton ennui. Je pourrais être fort inquiète de toi d’après tout ce que tu me mandes, si je n’avais de toi des nouvelles plus exactes et plus véridiques. Pourquoi outres-tu la vérité ? Est-ce par faiblesse pour toi-même ? Est-ce pour m’engager à te faire revenir ici plus vite ? C’est un bien mauvais moyen, et qui ne réussirait pas. Ce serait fort mal de jouer avec le chagrin que me causerait l’inquiétude. J’espère que tu n’es pas égoïste à ce point, et que tu t’es livrée à tes amplifications habituelles, sans réfléchir au mal qu’elles pourraient me faire, si je ne savais ce qui en est. Corrige-toi au moins du défaut que tu as de faire des récits ornés à ta fantaisie. C’est bon en riant, et je vois bien, d’après la nécessité où tu es de manger de l’herbe, que tu plaisantes en grande partie. Je le veux bien encore. Je rirai avec toi de ton bel esprit. Mais il ne faut pas pousser cela trop loin, et ne pas tellement mêler la farce et le sentiment, qu’en te lisant on ne puisse pas s’y reconnaître. Sois un peu plus sérieuse quand tu parles sérieusement et sois farceuse tant que tu voudras quand il s’agira de rire. Adieu, ma bonne fillette. Ton frère t’envoie une lettre de ce malheureux Pistolet à qui il a tenu la patte, et qui bâillait à faire pitié pendant ce temps-là. La Luce t’écrira, et ton frère aussi. À cette heure-ci tout le monde dort, excepté moi, qui t’embrasse de toute mon âme et qui te supplie d’être bonne, courageuse, et sincère avant tout. Solange à sa mère. 14 juillet 1841. Ma chère mère, me conseilles-tu de prendre une amie en pension ? J’en ai deux à choisir une qui est bonne quand on est en train de rire et de jouer ; l’autre qui est bonne pour vous faire travailler et vous sermonner. Ou bien me conseilles-tu de garder Luce pour tout à fait, parce qu’il faut que j’aie quelqu’un de mon âge à qui confier mes peines ?… À la même. 1842. … Pour une amie, j’en avais trouvé une, Célina Higonnet, mais je lui ai reconnu tout plein de défauts ; alors je l’ai laissée, et elle aime tout le monde… Je crois que je n’ai pas besoin d’une amie. Quand j’aurai quelque chose, je te le dirai. Car je ne vois pas à quoi peut servir une amie, quand on a une mère, si ce n’est pour jouer et plaisanter. Eh bien, si je veux une petite compagne, j’aurai ma Luce, et ce sera bien assez. Ensuite pour m’amuser j’ai Augustine, Léontine et Marie d’Oribeau[45], qui m’aiment toutes et que j’aime aussi… George Sand à sa fille 1842. …Pauline [Viardot] est arrivée hier avec son mari… Tu penses quelle joie ç’a été pour moi de revoir ces bons amis, et surtout cette admirable Pauline, si bonne, si intelligente, si grande et si aimable en toutes choses. Je te ferai remarquer à ce sujet que je l’aime tendrement quoique je n’aie pas le moindre besoin d’une amie. À mon âge, on n’a plus besoin d’épanchement, et on a déjà formé assez de relations et assez d’amitiés éprouvées pour ne pas songer à en former d’autres. Cependant, dès que j’ai vu Pauline pour la première fois, j’ai senti qu’il m’était impossible de ne pas l’aimer, parce que le cœur s’attache nécessairement à ce qui est noble et grand. Ainsi, quand tu dis quand on a une mère on n’a pas besoin d’amie, certes, tu dis une chose fort aimable et fort douce pour moi ; et tu as raison, en ce sens qu’aucune des amitiés que tu peux contracter ne pourra jamais se comparer à celle que tu trouves en moi. Mais tu te trompes, en croyant que tu ne dois d’affection à aucune autre personne qu’à celle qui te préfère à toutes les autres. Il n’en doit pas être ainsi, et, si je t’ai parlé seulement dans ma réponse à tes questions sur l’amitié des besoins que ton cœur pouvait avoir[46], je n’ai pas exprimé ma pensée sur l’amitié d’une manière complète. Le cœur n’a pas seulement des besoins, il a des devoirs et nos affections ne sont pas autre chose que des devoirs remplis avec bonheur. Ainsi nous aimons nos parens ; et, même lorsqu’ils ont de grands défauts nous leur pardonnons plus qu’aux autres, parce qu’ils sont nos amis d’enfance ; parce que, s’ils sont plus âgés, ils nous ont donné des soins ; parce que, s’ils sont plus jeunes, ils ont besoin des nôtres ; parce que, s’ils sont de notre âge, ils ont nécessairement vécu en échange de services et d’obligeance avec nous. Tous nos amis d’enfance sont dans le même cas. Nous devons être plus indulgens pour eux que s’il s’agissait de les choisir en âge de raison. Voilà donc deux espèces d’amis pour qui l’affection, ou, tout au moins, la bonté et la tolérance sont des devoirs les parens et les anciens amis. Il y en a une troisième espèce, et c’est celle sur laquelle tu me consultes. Ce sont les amis qu’on se choisit. Je trouve fort louable que tu veuilles y mettre du discernement et de la réflexion. Mais je te dirai que lorsqu’on rencontre une personne pleine de qualités, et vers laquelle on se sent porté de cœur, on doit céder à cette amitié. Par la même raison qu’on aime le vrai, le bon, le juste, le sage à l’état d’idées et de sentimens, on doit aimer les êtres qui possèdent ces grands dons du ciel. Si tu te pénètres bien toi-même de ces qualités, tu verras que tu inspireras de grandes amitiés et que tu en ressentiras toi-même. Ne cherche donc pas une amie dans tes compagnes, comme on cherche dans une boutique de cordonnier la chaussure qui ne blesse pas. Mais quand tu la rencontreras, et qu’elle t’inspirera une grande estime, mets-toi bien dans l’esprit que c’est Dieu qui t’envoie un devoir et un bonheur de plus dans ta vie. Solange à sa mère. 23 mai 1843. Puisque tu ne m’écris pas, ma chérie, je commence la première. Es-tu arrivée à Nohant ? N’es-tu pas trop fatiguée ? Te portes-tu bien ? Es-tu contente ? Moi, je m’ennuie joliment. Cependant, j’ai été mignonne depuis ton départ ; je veux dire que je n’ai pas pleuré depuis lundi ; car, pour le travail, ce n’est pas fameux. Du reste, je n’ai pas grand mérite à ne pas pleurer. Quand je ne fais pas des devoirs, je me plonge dans Mauprat pour penser à autre chose qu’à toi et à Maurice. Mauprat est bien joli. C’est intéressant à mort. J’en suis au moment où Bernard est en Amérique avec Lafayette et son ami Arthur. Je voudrais savoir si Edmée finit par l’épouser, et s’il change son vilain caractère. Edmée est encore la plus belle de tes héroïnes. Je voudrais déjà être arrivée au mois de septembre pour être avec toi, pour biger Maurice, la Luce. Je veux être mignonne la semaine prochaine. Celle-ci finira comme elle a commencé. C’est impossible autrement… À la même 4 jours après. J’ai fini Mauprat. J’en suis enchantée. C’est le plus beau roman qui ait jamais été fait. C’est plus joli que Valentine, que Consuelo, que Richard en Palestine que tout. La fin surtout, depuis le retour d’Amérique, et surtout depuis l’assassinat d’Edmée, est superbe. Edmonde est la plus belle de toutes tes filles. Moi, je suis la plus mal faite. C’est comme elle et non comme Consuelo que je voudrais être. Le preneur de taupes, l’homme à monosyllabes, est très beau aussi. J’ai presque pleuré en lisant son retour d’Amérique. L’abbé Aubert se conduit très bien pendant le procès ; cela m’a réconciliée avec lui. Patience est grand. Enfin ce procès m’a transportée. J’étais dans mon centre en lisant tout cela… Suivent quatre lignes sur un autre sujet ; toute la fin de la lettre est déchirée. Il est probable que cette fin gâtait le charmant début. Car la mère, d’ordinaire si sensible au moindre élan de sa fille vers elle, répond en bloc à cette lettre et à la précédente sur un ton de mercuriale Réponse. Ma chère grosse, je n’ai pas écrit plus tôt, par la même raison que tu n’étais pas disposée à être sage. Comme tu as pris soin de me l’annoncer, j’ai traduit cette déclaration dans ses véritables termes Je ne suis pas disposée à t’aimer. Je suis résolue à te désobéir et à te déplaire jusqu’à la semaine prochaine. » J’ai donc pensé que dans cette disposition une lettre de moi ne te ferait aucun plaisir, et je ne me suis pas pressée de te l’envoyer. Ton frère et son oncle Chatiron sont toujours à Guillery chez M. Dudevant ; Françoise la domestique ne veut pas se marier sans vous. Elle me charge donc de t’écrire qu’elle t’attendra parce qu’elle te l’a promis. Reste à savoir si tu lui sauras le moindre gré de tant de dévouement et de bonté d’âme, et si, pour la remercier, tu ne lui feras pas la moue le jour de ses noces. Tu en serais assez capable, à moins que d’ici à trois mois cette raison et cette bonté que j’attends depuis si longtemps chez toi ne se soient enfin éveillées. Peut-être seras-tu devenue une virtuelle Edmée. Jusqu’ici tu n’es encore que l’Edmunda sylvestris, c’est-à-dire une fleur sauvage, une plante épineuse de la forêt. Je te réponds dans ton style, qui n’est pas mal quintessencié. Tu commences à très bien écrire, mais pas assez naturellement, ce qui serait la première de toutes les qualités du style. Je te dirai d’où cela vient c’est parce que ton cœur n’est pas encore au niveau de ton esprit. Si tu aimais bien tendrement, tu te réveillerais un beau matin intelligente, laborieuse, et instruite sans le moindre effort. Car tu as sous la main tous les moyens de savoir, et tu n’as qu’à vouloir te baisser pour en prendre. Ce serait aussi le moyen d’être heureuse car ce serait celui de n’être plus séparée de ceux qui t’aiment. Je m’étonne qu’une personne qui écrit si bien n’ait pas encore assez d’esprit pour vouloir comprendre une chose si simple… Adieu encore, porte-toi bien, et tâche de m’aimer tous les jours, et toutes les semaines ; Chopin t’embrasse peut-être, et moi bien sûr, si tu es bonne. Entends-tu ? bonne avant tout bonne toujours, et avec tout le monde, et en toute occasion. Solange à sa mère réponse, fragment. Tu me fais des reproches, chérie, que je n’ai pas mérités. Tu me dis que j’ai le style maniéré. Si cela est, ce qui est bien possible, ce n’est pas avec intention. Tout le monde n’a pas ton style. Ainsi ne me reproche pas que le mien ne soit pas naturel, c’est peut-être parce qu’il l’est trop qu’il paraît ne pas l’être. Tu dis presque que je ne t’aime pas. Mais depuis que je t’ai vue écrire tranquillement une lettre à Mme Perdiguier pour la faire pleurer, j’ai pensé que tu en avais fait autant pour moi. Et puis, pour me faire plus de peine, tu me dis que tu donnes des leçons à la Luce pendant que moi je suis à Paris. Tu n’es pas mignonne quand tu me grondes. George Sand à sa fille. 18 juillet 1843. Ma chère grosse, je vais mieux et je suis contente de toi puisque tu te conduis bien. Je voudrais seulement que tu n’eusses qu’une parole et qu’un langage. Mais tu en as deux. Tu écris à ton frère qu’il n’y aura pas d’examens, et à moi qu’il y en aura. Si bien que je ne sais pas à quelle époque il faut t’envoyer chercher. Le plus sûr est que je m’adresse à M. Bascans pour me fixer à cet égard, et c’est ce que je veux faire. Delacroix est ici et te présente ses plus profonds hommages, ses plus humbles respects, ses génuflexions les plus idolâtriques ; enfin il se roule dans la poussière que ton pied sublime soulève sur la terre indigne de porter un être aussi pyramidal que toi. Chopin prétend que les supports de cet être admirable sont des tilleuls. Mais c’est une calomnie, et nous savons tous que ce sont des futailles. Cependant Delacroix n’est pas de cet avis il prétend que ce sont des cèdres du Liban. — Bonjour, ma grosse chérie. Nous attendons avec impatience que tu puisses nous arriver. On t’attend pourtant, et le temps lui-même ne se permet pas d’être beau sans que tu sois à même d’en jouir. Je t’embrasse mille fois. Sois sage et bonne. Ta vieille. Réponse … Si Chopin se moque des tilleuls, c’est qu’il les envie. Il a beau dire, il voudrait avoir mes joues et mes jambes pour se bien porter. Mais elles sont de la couleur des raisins de la fable. Deux mois après. En vacances. Billet glissé sous la porte, 13 septembre 1843 la date est écrite de la main de Solange Solange est fort aimable et fort gentille de s’enfermer à double tour et de ne pas venir seulement dire bonsoir à sa mère. Bout de papier, laissé sur la table de nuit de Solange par sa mère, après sa séance ordinaire de travail nocturne Bonsoir, ma grosse. Je t’ai embrassée bien fort, mais tu dors encore plus fort. Sois mignonne. Ici s’arrête le dialogue, au moment le plus intéressant. Mais il nous a déjà appris beaucoup de choses, et nous pouvons en deviner bien d’autres. Si jamais mère prit au sérieux ses devoirs d’éducatrice, certes ce fut George Sand. Mais celle-ci, désireuse par-dessus tout d’une réforme morale chez sa fille, combat sa personnalité » avec force, hauteur, éloquence, ce qui la rend d’ailleurs un peu moins sensible aux progrès de cet esprit souple, vif, brillant et déjà acéré. La jeune fille, qui sent sa valeur, et qui alimente sa sève à la lecture sinon dangereuse, en tout cas prématurée des livres de sa mère, trouve qu’on est injuste envers elle, discute déjà et riposte, non sans esprit. Chacune fournit à l’autre ce que celle-ci ne lui demande pas. La mésintelligence est déjà grave ; ce sont désormais deux femmes, » si jeune que soit Solange, deux femmes qui, se voulant mutuellement autres qu’elles ne sont, ne pourront que se faire souffrir en développant des caractères rivaux. Dans quelles circonstances Solange quitta-t-elle l’institution Bascans, nous l’ignorons. Un billet de 1844 nous apprend seulement que George Sand prit alors un M. Chaigne, qui partagea quelque temps avec M. Bascans les fonctions de précepteur de Solange. Durant l’été de 1844, Solange était rendue à la vie de famille. Elle n’avait pas seize ans. Environ deux années se passent, durant lesquelles Solange, plus heureuse sans doute qu’elle ne croyait l’être, n’a pas d’histoire. En septembre 1846, elle a un malaise de langueur. Elle souffre alors des pâles couleurs, » à la suite d’une imprudence bien gratuite de sa part, et sa mère, assez inquiète, la traite avec une extrême sollicitude. Solange paraît traverser une sorte de crise. Le mal de l’ennui rongerait-il l’Edmunda Sylvestris à Nohant, non moins qu’il la rongeait à la pension ? La belle amazone qui passe sa vie à cheval, » espère-t-elle le prince Charmant, et trouve-t-elle qu’il la fait attendre ? Mais elle a failli attendre seulement. Fin septembre 1846, à peine est-elle pleinement remise, que l’amoureux de féerie a paru ; à moins que ce ne soit son apparition même qui l’ait subitement guérie. Il s’appelle Fernand de Préaulx, gentilhomme berrichon ; il a vingt-quatre ans ; il n’est pas riche mais il est beau et bon ; que faut-il de plus[47] ? » Il fait sa demande, il est agréé. On l’a retenu à Nohant pour le mieux connaître. Solange s’éprend. Ma fille est fort éprise de son grand et beau cavalier. Lui est esclave et ne respire que par elle. » À Poncy, 7 janvier 1847. Il semble qu’on n’ait plus qu’à préparer la noce. Subitement, tout est rompu au début d’avril J’ai du chagrin moi-même, beaucoup de chagrin. Solange n’a pas voulu épouser l’homme qui l’aimait. Elle a été inconséquente, et un peu dure… » Au même. Évidemment, s’il devait y avoir rupture, il valait mieux, suivant la réflexion philosophique de Chopin à sa famille, que cela arrivât avant le mariage qu’après[48]. » Mais ce n’était pas d’un bon augure pour l’avenir, et faisait prévoir d’autres coups de tête. Que s’était-il donc passé ? Dans l’intervalle, un nouveau personnage a surgi à l’horizon de Nohant le sculpteur Clésinger. Rien ne pourra désormais empêcher que la malheureuse destinée de Solange ne s’accomplisse. Samuel Rocheblave. ↑ Bornons-nous à rappeler ici les principales Henri Amic, George Sand ; mes souvenirs Calmann-Lévy, 1893 ; — Arvède Barine, Alfred de Musset Hachette, 1893 ; — Ed. Grenier, Souvenirs littéraires Lemerre, 1894 ; — Spoelberch de Lovenjoul, les Lundis d’un chercheur Calmann-Lévy, 1894 ; du même, la Véritable histoire de Elle et Lui » Calmann-Lévy, 1897 ; — P. Mariéton, Une histoire d’amour Ollendorff, 1897 ; — Lettres de George Sand à Alfred de Musset et à Sainte-Beuve, avec Introduction de S. Rocheblave Calmann-Lévy, 1897 ; — Edm. Plauchut, Autour de Nohant Calmann-Lévy, 1899 ; — Charles Maurras, les Amans de Venise Fontemoing, 1902 ; — Correspondance de George Sand et d’Alfred de Musset, publiée d’après les documens originaux, par Félix Decori Bruxelles, juin 1904 ; — Correspondance entre George Sand et Flaubert Calmann-Lévy, 1904 ; George Sand, Souvenirs et idées Calmann-Lévy, 1904. — Nous mettons à part l’ouvrage capital de Wladimir Karénine Mme Komaroff, George Sand, sa vie et ses œuvres, si remarquablement documenté et puisé aux sources. Deux volumes in-8° ont paru chez Ollendorff 1899 et vont jusqu’à l’année 1833. La suite doit paraître prochainement. ↑ Revue encyclopédique, 1893, lettres à la famille Saint-Aignan. ↑ George Sand avant George Sand, par S. Rocheblave Revue de Paris, 15 mars 1896. ↑ La fille de George Sand, par George d’Heylli, Paris, 1900, plaquette. — Article d’Henri Fouquier, paru dans la Liberté du 7 novembre 1899. ↑ Calmann-Lévy, 1883-1884. ↑ La correspondance de George Sand avec sa fille ou du moins ce qu’il en reste, comprend 241 lettres ou billets ; — celle de Solange avec sa mère, 362 lettres ou billets. ↑ Voyez Histoire de ma vie, IV, 48 ; — Vladimir Karénine, I. 296 ; voyez aussi Revue de Paris, article cité, 15 mars 1896. ↑ À Boucoiran, 13 janv. 1831. Corr., 1, 145. ↑ C’était un jardin en miniature. Une lettre inédite de mai 1832 signale douze pots de fleurs où croissaient roses, lilas, jasmins, giroflées, oranger, géranium, réséda, et même un cassis tout couvert de fruits verts. ↑ Ces lacunes sont significatives. Elles s’étendent du 5 juillet au 21 novembre 1833, du 20 décembre 1833 au 16 mars 1834, et d’octobre 1834 au 17 avril 1835 elles marquent les divers épisodes de l’histoire Sand-Musset. Voyez Arvède Barine, Alfred de Musset, chapitre sur George Sand, et l’ouvrage déjà signalé de Wladimir Karénine, George Sand, sa vie et ses œuvres, t. II, les deux premiers chapitres. ↑ Ce travail forcené s’explique par les dépenses excessives de ce voyage, qui fut pour George Sand une ruineuse folie. ↑ 25 janvier 1834 Archives de Nohant. ↑ Fragment inédit de la lettre imprimée sous la date du 31 août 1834. ↑ Idem, 10 septembre 1834. ↑ 14 janvier 1835. — Inédite, communiquée par Mme Maurice Sand. ↑ Mai 1836. — Inédite, communiquée par Mme Maurice Sand. ↑ Fragmens de deux lettres inédites, communiquées par Mme Maurice Sand. ↑ Voyez Revue de Paris du 15 décembre 1894, Une amitié romanesque. George Sand et Madame d’Agoult, par S. Rocheblave. ↑ Voyez Histoire de ma vie, IV, 309. ↑ . Inédite. Communiquée par Mme Maurice Sand. ↑ Pour les deux années 1836-1837 il a été conservé 27 lettres ou billets de Solange et seulement cinq de sa mère. ↑ Sauf indication contraire, toutes les lettres qui suivent sont inédites. ↑ L’ordre de George Sand, entre le premier et le second jugement, était formel à ce sujet. Solange ne devait être confiée qu’à des personnes de la famille. Lettre de Mlle Martin à ce sujet. Mme de Rochemur d’abord duchesse de Caylus habitait, au quai Malaquais, la maison où George Sand avait eu son pied-à-terre. Histoire de ma vie, IV, 404. ↑ Adresse Mademoiselle Solange Dudevant, avenue Lord Byron, 9, quartier Beaujon, Paris. ↑ Au dos à Solange », de la main de G. Sand. — Voilà une lettre de ta mère pour toi. De la part de ton petit frère, M. Dudevant. » ↑ Corresp. I, lettre du 18 août 1836. ↑ Nous espérons bien un jour en faire une bonne élève ; malheureusement elle est un peu paresseuse. » Lettre de Mlle Martin. ↑ Vieil ami de George Sand. Voyez le 1er vol. de la Correspondance. ↑ Surnom donné à Solange, qui aimait à se dire fille d’un baron Dudevant. Il lui resta longtemps. Ses intimes appelaient encore Mme Clésinger le Baron. » ↑ Voyez Corresp., t. II, p. 59, 89, et Hist. de ma vie, IV, 408. ↑ Ce portrait fut reproduit par l’Artiste, année 1839. La toile était d’abord rectangulaire. Solange fit à tort croyons-nous rogner les angles et annulé la rature ovale. Il appartient aujourd’hui à Mme Lauth-Sand, Le portrait projeté de Solange par Calamatta ne semble pas avoir été suivi d’exécution. ↑ Ces deux portraits occupent une place d’honneur dans le salon de Nohant. Maurice est de face ; Solange de profil à droite. La ligne du profil jusqu’au nez est presque droite et très pure ; la lèvre supérieure légèrement en retrait ; l’œil intelligent et froid. Pas de sourcils. Aspect général du visage, volontaire et mutin. ↑ Voyez Hist. de ma vie, IV, 406-407, et 435-445. ↑ Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir la correspondance échangée entre la famille de Chopin et George Sand elle-même, dans l’ouvrage de Carlowicz sur Chopin, dont il sera parlé plus loin. ↑ Corr. t. II, lettre du 4 sept. 1840. ↑ Hist. de ma vie, IV, 457. — Voyez aussi La fille de George Sand, p. 23. ↑ La fille de George Sand, p. 20-22. ↑ Nous avons, dans nos papiers, des lettres d’elle qui sont parfaites de tact et de dignité. ↑ La fille de George Sand, p. 33-36, etc. ↑ La fille de George Sand, p. 51-52. Cette lettre, non datée, se place forcément entre les années 1842 et 1844. ↑ La fille de George Sand, p. 89-92. ↑ Ces fleurs roses et violettes, que nous avons retrouvées dans la lettre de George Sand à sa fille, sont peintes à gouache, de la façon la plus délicate et la plus finie. Ce sont des bouquets de ce genre qu’elle peignait sur des boîtes de Spa, en 1831, lorsque sa littérature ne rapportait » pas encore, et qu’elle ne réussissait guère à vivre des 3 000 francs de pension que son mari lui allouait. ↑ Le ton de rudesse affectée de cette lettre s’explique par la crainte de paraître trop sensible à certaines plaintes ; Solange en eût abusé. ↑ Rien ne coûtait à George Sand pour l’éducation de sa fille. Elle ne ménageait rien non plus pour les chiffons, » dont elle parle à l’occasion avec agrément. Mais Solange était coquette et exigeante sur cet article. ↑ Augustine Brault, fille adoptive de George Sand, depuis Mme de Bertholdi ; — Léontine Châtiron, fille d’Hippolyte demi-frère de George Sand, depuis Mme Simonnet ; — Marie d’Oribeau, fille d’une excellente amie de George Sand chez qui Solange sortait » constamment à cette date. ↑ Cette lettre n’a pas été conservée. ↑ Lettre de George Sand à Poncy, du 21 septembre 1846 inédite. La correspondance de George Sand avec Poncy, qui embrasse trente-quatre années, d’avril 1842 à avril 1876, offre une des plus riches sources pour l’histoire intime de George Sand, de sa famille, de ses idées et de ses œuvres. Elle est inédite en très grande partie. 39 lettres seulement sur 226, ont paru dans la Correspondance imprimée. Nous ferons à ces documens autographes, qui sont en notre possession, les emprunts nécessaires pour combler certaines lacunes. ↑ Voyez l’ouvrage de Carlowicz, Souvenirs de Chopin, etc. titre en polonais, p. 32. — Varsovie, 1904.
lettre de george sand à son fils